Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/68

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qu’une classe de magiciens exécutaient leurs exploits grâce à une alliance avec Satan, ils croyaient dévotement que d’autres commerçaient avec des esprits d’une classe différente et moins odieuse, avec les anciens nains, appelés dans les îles Shetland Trows ou Drows, et qu’ont remplacés les fées modernes.

Parmi ceux qu’on soupçonnait être ligués avec des esprits sans corps, cette Norna, descendante et dernier rejeton d’une famille qui prétendait à ces dons miraculeux, occupait un rang si distingué, que le nom d’une de ces fatales sœurs dont l’occupation est de couper le fil de la vie humaine, lui avait été décerné en honneur de sa puissance surnaturelle. Le nom sous lequel on l’avait réellement baptisée était soigneusement caché par elle et par ses parents ; car, dans leurs superstitions, ils attachaient un présage de malheur à ce qu’il fût découvert. À cette époque, ce qu’on mettait en doute, c’était seulement si une telle puissance pouvait s’acquérir par des moyens légitimes. De nos jours, la question eût été de savoir si c’était imposture chez elle, ou si son imagination était assez fortement frappée des mystères de son art supposé pour qu’elle pût croire jusqu’à un certain point à son pouvoir surhumain. Il est certain qu’elle jouait son rôle avec une assurance si imperturbable, avec une dignité si frappante dans le visage et les gestes ; en même temps elle déployait une telle force de langage, une telle énergie de résolution, qu’il aurait été difficile, même au plus grand sceptique, de révoquer en doute la réalité de son enthousiasme, quand bien même il eût souri des prétentions qui en étaient le motif.




CHAPITRE VI.

la magicienne.


Si, par votre art, vous ayez mis l’Océan terrible en celle fureur, apaisez-le.
Shakspeare. La Tempête.


L’ouragan s’était un peu apaisé à l’instant même où Norna arrivait ; car il aurait été impossible de marcher quand il était dans toute sa furie. Mais à peine s’était-elle jointe d’une manière si inattendue à la société que le hasard avait réunie dans la maison de Triptolème Yellowley, que la tempête reprit soudain sa première violence, se déchaîna autour de l’habitation avec une véhémence telle, que les gens qui s’y trouvaient devinrent insensibles à tout,