Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/94

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il vient ici une volée de corbeaux qui ont le nez aussi fin que toi. »

Elle disait vrai ; plusieurs gens du hameau de Jarlshof se hâtaient alors de gagner la langue de sable pour avoir part aux dépouilles. Le colporteur, en les voyant approcher, ne put retenir un gémissement. « Oui, oui, dit-il, les gens de Jarlshof ! ils vont faire toute la besogne ; ils ont une adresse, un tact ! Ils ne laisseront pas la valeur d’une planche pourrie ; et le pis, c’est qu’il n’y a personne parmi eux assez raisonnable et assez pieux pour rendre grâces au ciel de ces richesses, après les avoir recueillies. Voilà le vieux Rauzellaer, Neil Ronaldson, qui ne ferait pas un mille pour entendre un sermon, mais qui sait en faire dix, quand il entend dire qu’un vaisseau a fait naufrage… »

Cependant Norna semblait posséder sur lui un si grand ascendant, qu’il n’hésita point davantage à charger sur ses épaules l’homme qui, alors, donnait des signes manifestes de vie ; et, secondé par Mordaunt, il avança le long du rivage sans autres remontrances. Avant de s’éloigner tout-à-fait, l’étranger montra la caisse, et s’efforça de murmurer quelque chose, à quoi Norna répondit : « Il suffit, on en prendra soin. «

En gravissant le sentier appelé chemin d’Érick, qui devait les conduire au sommet du cap, ils rencontrèrent les gens de Jarlshof. Hommes et femmes, en passant, saluaient humblement Norna, non sans une vive expression de frayeur sur quelques visages. Elle les laissa continuer leur route ; mais, au bout de quelques pas, elle se retourna et appela le Rauzellaer qui, quoique cette action fût plutôt d’usage que légale, accompagnait le reste du hameau à cette expédition de pillage. « Neil Ronaldson, dit-elle, retenez bien mes paroles. Vous trouverez là-bas une caisse dont le couvercle vient d’être levé ; veillez à ce qu’on la porte à votre maison de Jarlshof telle qu’elle est maintenant. Gardez-vous de remuer, de toucher au moindre objet ; mieux vaudrait être couché dans une fosse que d’en regarder le contenu. Je ne parle pas pour rien, et je ne veux en rien être désobéie. — Vos désirs seront remplis, la mère, répondit Ronaldson : je vous réponds qu’on n’y touchera point, puisque telle est votre volonté. »

Loin des autres habitants du village, suivait une vieille femme se parlant à elle-même, et maudissant sa propre décrépitude qui la retenait éloignée de la bande, et se démenant de toutes ses forces pour avoir part au butin.

Quand ils furent auprès d’elle, Mordaunt fut étonné de recon-