Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/95

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naître la femme de charge de son père. « Comment donc, dit-il, c’est vous, Swertha ? qui vous amène si loin de la maison ? — J’en sors à l’instant, pour aller à la découverte de mon vieux maître et de Votre Honneur, » répondit Swertha, de l’air d’un coupable qui se sent pris sur le fait ; car en plus d’une occasion M. Mertoun avait témoigné combien il désapprouvait des entreprises semblables à celle où elle était alors engagée.

Mais Mordaunt était trop plongé dans ses propres réflexions pour s’apercevoir de ce délit. « Avez-vous vu mon père ? lui demanda-t-il ? — Oui, vraiment, répondit Swertha ; le brave homme s’apprêtait à descendre le chemin d’Érick, et certes il aurait pu lui arriver malheur, car il n’est pas de force à franchir des rochers. Je l’ai reconduit à la maison… et je venais vous chercher pour vous dire de l’aller rejoindre au château ; car, suivant moi, il est loin d’être bien. — Mon père est malade ! » s’écria Mordaunt en se rappelant la faiblesse qui l’avait pris au commencement de leur promenade du matin.

« Il est loin d’être bien… loin d’être bien, » répéta Swertha en remuant piteusement la tête ; « les joues si pâles… les joues si pâles… Et aller s’imaginer de prendre le chemin d’Érick ! — Retournez chez vous, Mordaunt, » dit Norna qui écoutait cette conversation. « Je ferai tout ce qu’il faudra pour sauver ce malheureux naufragé ; vous le trouverez à la cabane du Rauzellaer, quand vous voudrez le voir. Vous avez fait pour lui tout ce qui était en votre pouvoir. »

Mordaunt reconnut que cela était vrai ; et enjoignant à Swertha de le suivre à l’instant, il remonta le sentier pour se rendre chez lui.

Swertha prit, d’un pas peu assuré, et avec répugnance, la même direction que son jeune maître, jusqu’à ce qu’elle le perdît de vue ; tournant aussitôt les talons, elle marmotta entre ses dents : « Retourner à la maison, ah ! bien oui !… Retourner à la maison, et perdre l’occasion d’acheter un manteau et un cotillon neufs, en place de ceux que je porte depuis dix ans ! ma foi, non… le ciel n’envoie que rarement de pareils cadeaux sur nos côtes… Il n’y en a pas eu depuis que la Jenny et le James échouèrent au temps du roi Charlot. »

En se parlant ainsi, elle hâta sa marche autant que possible, et, suppléant au peu d’agilité de ses jambes par la bonne volonté, elle s’avança avec une diligence merveilleuse pour prendre sa part des