Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/98

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guère aux richesses de ce monde à présent… oh ! non, pas plus que les grands comtes et les rois de la mer, du temps des Norses, ne pensent aux trésors qu’on enterrait dans leurs vieux tombeaux et leurs antiques sépulcres. Vous ai-je jamais chanté, maître Mordaunt, la chanson où l’on dit comment Olaf Tryguarson parvint à faire cacher avec lui cinq couronnes d’or dans sa tombe ? — Non, Swertha, » répondit Mordaunt, qui prenait plaisir à tourmenter l’adroite et vieille pillarde, « vous ne me l’avez jamais chantée ; mais je vous préviens que l’étranger dont Norna prend soin au village se portera assez bien demain pour vous demander où vous avez caché les objets que vous avez dérobés au naufrage. — Mais qui ira lui en lâcher un seul mot, mon cher ami ? » répondit Swertha en regardant finement son jeune maître ; « et d’ailleurs je dois vous dire que j’ai dans mon paquet un bon reste de soie qui vous fera un charmant habit pour la première fête où vous danserez. »

Mordaunt ne put s’empêcher de rire en voyant l’adresse avec laquelle la vieille dame voulait se tirer d’affaire, moyennant la cession d’une partie du butin ; et la priant de servir le dîner qu’elle avait préparé, il revint près de son père qu’il trouva dans la même attitude où il l’avait laissé.

Lorsque leur court et frugal repas fut achevé, Mordaunt annonça à son père qu’il se proposait d’aller jusqu’au hameau pour savoir des nouvelles du malheureux naufragé.

M. Mertoun donna son assentiment par un signe de tête.

« Il doit y être mal soigné, monsieur, » ajouta le fils… observation qui reçut pour réponse un autre signe de tête. « Il avait l’air d’appartenir à une classe élevée… et, en supposant que ces pauvres gens fassent de leur mieux pour le recevoir, néanmoins il doit être encore si faible… — Je sais où vous allez en venir, interrompit le père, vous devez encore, pensez-vous, faire quelque chose pour lui. Soit, allez le voir. S’il a besoin d’argent, dites-lui de fixer la somme, et on la lui comptera ; mais pour ce qui est de loger un étranger ici et de faire société avec lui, je ne le peux, je ne le veux pas. Je me suis retiré à cette extrémité des îles britanniques pour éviter de nouveaux amis et de nouveaux visages, et jamais personne ne viendra m’importuner de son bonheur ou de ses misères. Quand vous aurez connu le monde pendant une dizaine d’années, vos anciens amis vous auront donné des raisons pour garder leur souvenir et éviter de nouvelles connaissances tout le reste de votre vie. Allez donc ; pourquoi demeurez-vous ? délivrez