Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/125

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À ces mots, et en s’inclinant pour la troisième fois avec grâce, il présenta le cartel au major Bridgenorth. Il était évident que le sentiment de l’honneur et les principes religieux se livraient alors un combat terrible dans le cœur du major : ces derniers l’emportèrent. Il repoussa d’un air calme le billet que sir Jasper lui présentait, et lui dit : « Il se peut, sir Jasper, que vous ignoriez que, depuis que la lumière du christianisme s’est répandue sur ce royaume, un grand nombre de gens sages et éclairés ont douté que l’action par laquelle un homme répand le sang d’un autre pût être justifiable en aucun cas. Quoique cette règle me semble difficilement applicable à notre situation dans ce monde d’épreuves, puisque la non-résistance, si elle était générale, mettrait nos droits civils et religieux entre les mains du premier tyran audacieux qui voudrait y porter atteinte ; cependant, j’ai été et je suis encore disposé à limiter l’usage des armes charnelles à quelques cas exceptionnels, tels que ceux qui nécessitent la défense de notre personne, la défense de nos droits ou de notre propriété, et surtout la défense de notre pays contre l’invasion étrangère, et celle de nos lois et de notre conscience contre tout pouvoir usurpateur. Et comme jamais je n’ai montré de répugnance à tirer l’épée pour aucune de ces causes, vous m’excuserez si je persiste à la laisser dans le fourreau, lorsque celui de qui j’ai reçu une grave injure me provoque au combat, soit par un vain point d’honneur, soit par pure bravade, ce qui est plus vraisemblable. — Je vous ai écouté avec patience, dit sir Jasper, et maintenant, maître Bridgenorth, ne trouvez point mauvais que je vous supplie de réfléchir plus amplement à cette affaire. Je prends le ciel à témoin, monsieur, que votre honneur est blessé, et que sir Geoffrey, en poussant la condescendance jusqu’à vous offrir ce cartel, qui vous présente quelque chance de cicatriser une telle blessure, a été vivement touché de votre situation, et animé du désir sincère d’effacer la tache qui vous flétrit. Il ne s’agit que de croiser votre rapière avec son honorable épée pendant l’espace de quelques minutes, et vous aurez la satisfaction de vivre ou de mourir en noble et digne gentilhomme. D’ailleurs l’extrême habileté du chevalier dans l’art de l’escrime le met en état, comme son excellent cœur l’y engagera, de vous désarmer simplement, en se contentant de vous faire une légère blessure dans les chairs, dont il résultera peu de mal pour votre personne et beaucoup de bien pour votre honneur. — La plus tendre compassion du méchant n’est