Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/136

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pocrisie ou de démence quiconque en ferait un aveu si franc et si subit ; mais d’après les mœurs et l’esprit du temps, il n’était pas rare de voir des gens disposés à professer hautement de telles opinions comme étant la règle de toute leur conduite.

Le sage Vane, le brave et habile Harrison, agissaient sous l’influence de pareils sentiments. Lady Peveril fut donc plus fâchée que surprise d’entendre le major tenir un tel langage, et elle en conclut avec raison que la société qu’il avait vue depuis quelque temps, et les circonstances où il s’était trouvé, faisant éclater tout-à-coup l’étincelle cachée dans son sein, une flamme ardente s’était aussitôt allumée. Cela était d’autant plus probable qu’il tenait de son père un caractère mélancolique, qu’il avait essuyé un grand nombre de malheurs, et que nulle passion, lorsqu’on s’y abandonne, ne se développe aussi rapidement que cette espèce d’enthousiasme dont il donnait alors des signes évidents.

Elle se borna donc à lui répondre avec calme qu’elle espérait qu’il n’avait point eu l’imprudence de s’exposer à quelque danger ou à quelque soupçon par la manifestation de ses sentiments.

« À quelque soupçon ! milady, répondit le major ; (car, je ne puis m’empêcher, par la force de l’habitude, de vous accorder l’un de ces vains titres que nous autres misérables vases d’argile nous nous donnons réciproquement dans notre orgueil) non seulement je me suis rendu suspect, mais encore je cours de si grands risques, que si votre mari me rencontrait dans ce moment, moi Anglais de naissance, et bien que sur mes propres domaines, je ne doute nullement qu’il ne fît tous ses efforts pour m’offrir en sacrifice au Moloch de la superstition romaine, qui poursuit maintenant avec fureur le peuple de Dieu. — Ce langage me surprend, major Bridgenorth, » dit lady Peveril, qui commençait à désirer d’être délivrée de sa compagnie, et qui se mit en conséquence à presser un peu le pas ; mais Bridgenorth, doublant aussi le sien, continua de marcher à côté d’elle.

« Ne savez-vous pas, lui dit-il, que Satan est venu sur la terre, animé d’une colère terrible, parce que son règne doit être court ? L’héritier de la couronne est un papiste avoué : et qui oserait assurer excepté les sycophantes et les flatteurs, que celui qui la porte aujourd’hui ne serait pas aussi à se courber devant la puissance de Rome, s’il n’était tenu en échec par quelques nobles esprits de la chambre des communes ? Vous ne me croirez pas peut-être : il est pourtant vrai que, dans mes promenades soli-