Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/144

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CHAPITRE XI.

LA PÊCHE.


Mona resta long-temps cachée aux matelots.
Collins


L’île de Man, au milieu du dix-septième siècle, était, comme lieu de résidence, fort différente de ce qu’elle est aujourd’hui. On n’avait pas encore découvert son importance, comme lieu de refuge contre les orages de la vie, et la société qu’on y rencontrait était monotone et insignifiante. Alors on n’y voyait pas de ces élégants dissipateurs que la fortune a renversés de leur char brillant, de ces pauvres joueurs dépouillés par la friponnerie, de ces spéculateurs trompés dans leurs calculs, et de ces entrepreneurs de mines, ruinés par leurs projets : en un mot, on ne trouvait là personne de remarquable. La société se bornait aux naturels de l’île, et à quelques marchands qui faisaient le commerce de la contrebande. Les amusements étaient rares et insipides, et le jeune comte, naturellement vif et léger, ne tarda pas à s’ennuyer de la vie qu’on menait dans ses domaines.

Les insulaires eux-mêmes, devenus, pour ainsi dire, trop civilisés pour être heureux, n’avaient plus de goût pour les amusements innocents et tant soit peu stériles qui avaient fait les délices de leurs pères. Le mois de mai ne ramenait plus la querelle supposée de la reine de l’hiver avec celle du printemps, et ils n’eussent plus entendu avec la musique animée de l’une, ni les sons discordants par lesquels l’autre faisait un appel plus bruyant à leur attention. La Noël passait de même sans que les églises fissent retentir leurs cloches dissonantes. Le roitelet, à la chasse duquel on aimait à se livrer autrefois durant les jours de la Pentecôte, n’avait plus à craindre cette poursuite meurtrière. L’esprit de parti avait pénétré parmi ces gens simples, et détruit leur gaieté sans faire cesser leur ignorance. Les courses mêmes, ces amusements qui plaisent en général aux hommes de toute condition, n’avaient plus lieu, parce qu’elles ne leur offraient plus d’attrait. Les bourgeois étaient divisés par des inimitiés jusque-là sans exemple, et chacun d’eux aurait cru se déshonorer s’il eût trouvé quelque plaisir dans les divertissements que recherchaient ceux de la faction contraire. Les deux partis reniaient le souvenir de