Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/148

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Mais ce jour-là, le maître de Fairy ne montra pas toute la persévérance d’un véritable pêcheur à la ligne, et il eut peu d’égard à la recommandation que fait le vieux Isaac Walton[1], de pêcher dans le courant des rivières pouce par pouce. Il est vrai qu’il cherchait de l’œil d’un connaisseur les endroits qui lui promettaient le plus de succès, ceux où l’eau s’élançait d’un pont majestueux par-dessus quelque grosse pierre, et offrait à la truite l’abri qu’elle aime, ou bien encore ceux où l’eau sortait en bouillonnant d’un courant rapide, soit pour former un tranquille remous sous quelque rive escarpée, soit pour se précipiter en cascade. Par ce choix intelligent des lieux où il pouvait le mieux exercer son adresse, son panier fut bientôt assez pesant pour prouver que la pêche n’avait point été un vain prétexte ; et dès qu’il en fut convaincu, il remonta le cours de la rivière, jetant de temps à autre sa ligne dans l’eau pour tromper l’œil de ceux qui l’auraient observé des hauteurs voisines.

La petite vallée verdoyante et rocailleuse qu’arrosait cette rivière était solitaire, bien que le sentier mal tracé qui la traversait indiquât qu’on la parcourait quelquefois et qu’elle n’était pas tout à fait dépourvue d’habitants. À mesure que Peveril avançait, la rive droite s’élargissait, et offrait à l’œil une vaste prairie qui se terminait à la rivière, et dont les riches pâturages étaient dus en partie à des débordements accidentels. Sur la partie la plus élevée du vallon on voyait une vieille maison, de construction singulière, ayant une terrasse au-devant, et par derrière quelques champs cultivés. Jadis une forteresse danoise ou norwégienne, nommée Blackfort[2], s’élevait en cet endroit ; elle tenait son nom d’une haute colline couverte de bruyère, où la rivière paraissait prendre sa source, et qui, s’élevant derrière l’édifice, fermait la vallée de ce côté. La construction primitive, qui n’était probablement composée que de pierres sèches, avait été détruite depuis long-temps, et les matériaux avaient servi à édifier la nouvelle maison, ouvrage de quelque moine du xvie siècle, comme on pouvait le présumer d’après l’énorme dimension des pierres qui formaient l’encadrement d’étroites croisées, à peine assez grandes pour donner passage à la lumière du jour, ainsi que d’après deux ou trois arcs-boutants massifs, qui étaient appuyés sur la façade de la maison, et dans lesquels étaient pratiquées des niches pour des statues de

  1. Auteur d’un traité sur la pêche. a. m.
  2. Le fort Noir. a. m.