Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/155

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jeunes gens qu’elles ont élevés, elle fut enchantée de trouver l’occasion de parler des temps passés, du château de Martindale, et des amis qu’elle y avait laissés ; de sir Geoffrey et de son épouse, et quelquefois même de Lance-Outram le garde forestier.

Il est fort douteux que le seul plaisir de répondre aux questions de Deborah eût été assez puissant pour engager Julien à réitérer ses visites à la bonne dame de la vallée solitaire ; mais elle avait une compagne, une jeune et jolie fille, élevée dans la retraite et dans les goûts simples et modestes que la solitude inspire. Cette jeune fille était vive, spirituelle et questionneuse aussi ; elle écoutait, le sourire sur les lèvres et le plaisir dans les yeux, toutes les histoires que le jeune homme racontait et du château et de la ville.

Les visites de Julien à Black-Fort étaient rares, car mistress Deborah montrait une prudence qui n’était peut-être que le résultat de la crainte de perdre sa place, si quelque fâcheuse découverte avait lieu. Il est vrai qu’elle se fiait beaucoup à la croyance profondément enracinée et presque superstitieuse du major Bridgenorth, que la bonne santé de sa fille dépendait entièrement des soins assidus que lui donnait une personne instruite par lady Peveril elle-même à traiter le genre de maladie dont il avait si longtemps redouté que sa fille ne fût attaquée : cette croyance n’avait fait que s’accroître, grâce à l’adresse de Deborah, qui affectait toujours de prendre le ton d’un oracle lorsqu’il était question de la santé précieuse confiée à ses soins, et qui donnait à entendre d’un air d’importance que certaines règles mystérieuses étaient indispensables pour la maintenir dans l’état favorable où elle se trouvait.

C’est par cet artifice qu’elle avait obtenu pour Alice et pour elle une habitation séparée à Black-Fort ; car, dans l’origine, le major Bridgenorth avait résolu que sa fille et sa gouvernante habiteraient sous le même toit que la belle-sœur de sa défunte femme, la veuve de l’infortuné Christian. Mais une vieillesse prématurée, causée par le chagrin, avait atteint cette dame depuis long-temps ; et dans une courte visite que le major Bridgenorth fit à l’île de Man, il se convainquit sans peine que la maison de Kirk-Truagh serait un séjour fort triste pour sa fille. Dame Deborah, qui mettait un prix extrême à l’indépendance, s’efforça de tout son pouvoir d’augmenter la répugnance du major pour cette habitation, en lui faisant entrevoir mille dangers pour la santé de sa fille. La maison de Kirk-Truagh était, assurait-elle,