Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/163

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ser. Quel droit avez-vous de faire de telles suppositions, et de m’adresser de telles questions ? — L’espérance, Alice, l’espérance ! le dernier soutien du malheureux ; l’espérance dont vous-même vous ne serez certainement pas assez cruelle pour me priver. L’espérance n’est-elle pas toujours là pour lutter contre les obstacles, les incertitudes, les dangers, quand bien même elle ne doit pas triompher ? Encore une fois, répondez-moi, je vous en conjure : si je viens demander votre main au nom de mon père, au nom ma mère, à qui, en partie, vous devez la vie, que me répondrez-vous ? — Je vous enverrai à mon père, » dit Alice en rougissant et en détournant les yeux ; mais à l’instant même, le regardant de nouveau, elle répéta d’un ton plus ferme et plus triste : « Oui, Julien, je vous renverrai à mon père, et alors vous trouverez sans doute que votre pilote, l’espérance, vous a trompé et qu’il ne vous a sauvé d’un banc de sable que pour vous faire échouer contre un rocher. — Je voudrais pouvoir en faire l’épreuve, Alice ; il me semble que je convaincrais votre père qu’une alliance avec ma famille n’est pas à dédaigner. Nous avons de la fortune, un rang distingué, une longue suite d’aïeux, tout ce qu’un père peut désirer enfin lorsqu’il veut donner la main de sa fille. — Tout cela ne serait rien, répondit Alice : l’esprit de mon père ne voit que les biens d’un autre monde ; et s’il consentait à vous entendre, ce serait probablement pour vous dire qu’il rejette vos offres. — Vous n’en savez rien, Alice, vous ne pouvez le savoir. Le feu a le pouvoir de faire fondre le fer ; le cœur de votre père ne peut être assez dur ; ses préjugés ne peuvent être assez forts pour que je ne trouve quelque moyen de l’attendrir. Oh ! ne me défendez pas, ne me défendez pas du moins cette épreuve ! — Je ne puis que vous donner des avis, dit Alice ; je n’ai point le droit de vous rien défendre ; car la défense suppose le droit d’exiger l’obéissance. Mais si vous êtes sage, et si vous voulez m’en croire, ici même, à cette place, nous nous séparerons pour toujours. — Non, de par le ciel ! » s’écria Julien, dont le caractère impétueux s’inquiétait à peine des obstacles lorsqu’une fois il avait conçu quelque désir. « Nous allons nous séparer, en effet ; mais c’est afin que je puisse revenir armé du consentement de ma famille. Ils désirent que je me marié, ils m’en pressaient encore dans leur dernière lettre : en bien ! leur désir sera satisfait ; et jamais la maison des Peveril, depuis le conquérant dont ils descendent, n’aura été honorée de la possession d’une bru sem-