Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/180

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soit servi promptement, car M. Peveril est loin de sa demeure. — Je vais le faire, et de tout mon cœur, répondit Deborah ; et si dans l’île de Man il y a une paire de poulets plus gras que ceux qui vont déployer leurs ailes tout à l’heure sur votre table, Votre Honneur pourra me qualifier du nom d’oie aussi bien que de celui de perroquet. » À ces mots, elle sortit de l’appartement.

« Et c’était à une pareille femme, » s’écria Bridgenorth, en la suivant des yeux d’un air significatif, « que, selon vous, j’aurais confié sans réserve ma fille, mon unique enfant ! Mais laissons cela. Si vous voulez nous irons nous promener tandis qu’elle s’occupera de choses qui sont beaucoup plus à la portée de son intelligence. »

Il sortit de la maison, suivi de Julien Peveril, et bientôt ils se promenèrent côte à côte, comme s’ils eussent été d’anciennes connaissances.

Il peut être arrivé à plusieurs de nos lecteurs, comme il nous est arrivé à nous-même de se trouver par hasard dans la société de certaines personnes dont les prétentions à ce qu’on appelle un caractère sérieux s’élèvent beaucoup plus haut que les nôtres, et d’avoir appréhendé qu’une conversation avec elles n’offrît beaucoup de gêne et de contrainte ; tandis que l’interlocuteur dont ils étaient menacés avait lui-même à craindre de leur part une légèreté, un enjouement frivole tout à fait en désaccord avec la disposition naturelle de son esprit. Mais il arrive souvent aussi que, lorsqu’avec cette humeur facile et cette urbanité qui nous caractérisent, nous nous accommodons à la manière d’être de notre compagnon, en colorant notre langage d’autant de gravité que notre caractère et nos habitudes nous le permettent, lui-même, touché de la générosité de cet exemple, dépouille ses discours et ses manières d’une partie de leur austérité. Il résulte alors de ces concessions réciproques que la conversation offre un mélange d’utile et d’agréable qui ressemble assez à cet accord merveilleux de la nuit et du jour qu’on appelle vulgairement en prose le crépuscule. En de telles occasions, chacune des parties se félicite d’avoir rencontré l’autre, ce rapprochement ne dût-il être que momentané entre des hommes qui, bien moins divisés par les principes que par la simple différence des caractères, ne sont que trop portés à s’accuser mutuellement les uns de frivolité profane, et les autres de fanatisme.