Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/189

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virent en lui un solitaire qui, soit par motif de pitié soit par quelque autre raison puissante, s’était déterminé à vivre dans les déserts et à fuir les hommes. — Puis-je vous demander laquelle de ces opinions vous étiez disposé à adopter ? dit Julien. — La dernière s’accordait le mieux avec la pensée qui avait frappé mon esprit pendant le coup d’œil rapide que j’avais jeté sur l’étranger, répondit Bridgenorth ; car, bien que je ne conteste pas qu’en de grandes occasions il puisse plaire au ciel de rappeler un homme du tombeau pour le salut de son pays, je restai convaincu, comme je le suis encore, que j’avais vu un être vivant, qui avait, en effet, de puissants motifs pour se cacher dans la profondeur des cavernes et des solitudes. — Ces motifs sont-ils un secret ? demanda Peveril. — Pas absolument, répondit Bridgenorth ; je ne crains pas que tu trahisses la confiance que je veux te montrer dans cet entretien ; et d’ailleurs, quand tu serais capable d’une telle bassesse, la proie est trop loin pour qu’aucun chasseur puisse en découvrir la trace. Mais le nom de ce digne homme résonnera mal à ton oreille, à cause d’une certaine action de sa vie, je veux dire sa participation à une grande et terrible mesure qui fit trembler les îles de la terre les plus éloignées. As-tu jamais entendu parler de Richard Whalley ? — Le régicide ? » s’écria Julien en frémissant. — Donne à son action le nom que tu voudras, dit Bridgenorth, il n’en fut pas moins le sauveur de ce village, lui qui, avec les autres hommes hardis de l’époque, siégea sur le banc des juges dans le procès de Charles Stuart, et souscrivit la sentence de mort prononcée contre ce dernier. — J’ai toujours entendu dire, » reprit Julien d’une voix altérée et en rougissant vivement, « que vous, monsieur Bridgenorth, et les autres presbytériens, vous vous étiez prononcés contre ce crime détestable ; et que vous aviez été sur le point de vous réunir avec les cavaliers pour empêcher cet horrible parricide. — Si cela est, reprit Bridgenorth, nous en avons été noblement récompensés par son successeur. — Récompensés ! répéta Julien ; la distinction entre le bien et le mal, et l’obligation où nous sommes de faire l’un et d’empêcher l’autre, dépendent-elles donc de la récompense que l’on peut accordera nos actions ? — À Dieu ne plaise ! répondit Bridgenorth. Et cependant, lorsque l’on considère les malheurs que cette maison des Stuarts a attirés sur l’Église et sur l’État, la tyrannie qu’ils ont exercée sur les personnes et sur les consciences, il est permis de douter si c’est un crime ou non de prendre