Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tère irascible et vindicatif. Ce dernier penchant avait été encouragé, il est vrai, par les deux jeunes gens, et surtout par le comte, qui prenait quelquefois plaisir à la tourmenter pour jouir des mouvements singuliers et du petit murmure par lesquels elle exprimait son dépit. À son égard, elle ne se permettait que de pétulantes et bizarres démonstrations d’impatience ; mais quand elle était irritée contre des gens d’un rang moins élevé, devant lesquels elle n’avait aucun motif de se contraindre, l’expression de la colère qu’elle ne pouvait exhaler en paroles, avait quelque chose d’effrayant : tant les sons qu’elle faisait entendre, les contorsions, les gestes auxquels elle avait recours, étaient extraordinaires ! Les domestiques de l’ordre inférieur, pour lesquels elle était généreuse presque au-delà des moyens qu’elle paraissait avoir, lui montraient les plus grands égards, le plus profond respect, mais bien plus par crainte que par un attachement véritable ; car la nature, capricieuse de son caractère, se manifestait jusque dans ses dons, et ceux mêmes qui se ressentaient le plus souvent de sa libéralité semblaient douter qu’elle prît sa source dans une bienveillance réelle.

Il résulta de ces diverses particularités des conjectures tout à fait conformes à l’esprit de superstition qui régnait parmi les habitants de l’île. Croyant aveuglément à toutes les légendes de fées, si chères aux tribus celtiques, ils tenaient pour avéré que les lutins avaient coutume d’enlever les enfants avant le baptême, et de mettre dans le berceau ceux de leur race, auxquels il manquait toujours un des organes propres à l’humanité. Fenella était donc regardée par eux comme un de ces êtres incomplets ; et la petitesse de sa taille, la couleur de son teint, ses longs cheveux soyeux, la singularité de ses manières et les caprices de son humeur, étaient, selon leurs idées, les attributs de cette race irritable, bizarre et dangereuse dont ils la supposaient issue ; et, bien qu’elle ne parut jamais plus offensée que quand lord Derby l’appelait en riant la Reine des Lutins, ou faisait quelque allusion à sa parenté prétendue avec la race des Pygmées, l’affectation qu’elle mettait à porter constamment une robe verte, couleur chérie des fées, et divers actes de sa conduite, pouvaient faire croire qu’elle même cherchait à confirmer toutes ces idées superstitieuses, parce qu’elles lui donnaient plus de pouvoir sur les esprits d’un ordre inférieur.

Une foule d’histoires circulaient relativement à la Fée de la