Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/271

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versions et extirper l’hérésie enracinée dans le nord de l’Angleterre, il ne pouvait trouver un compagnon plus dangereux dans les circonstances où il se trouvait ; car la moindre apparence de relation avec un homme de cette croyance ne manquerait pas d’accréditer le bruit qui s’était répandu de l’attachement de sa famille au parti catholique. Cependant il était assez difficile de se débarrasser sans impolitesse de la compagnie d’un homme qui paraissait déterminé à marcher à côté de lui, soit qu’il lui adressât la parole ou qu’il gardât le silence.

Peveril voulut voir d’abord s’il y réussirait en mettant son cheval au petit pas ; mais son compagnon, décidé à ne pas l’abandonner, ralentit la marche du sien, de façon qu’ils se trouvèrent côte à côte. Alors Julien donna un coup d’éperon et prit le grand galop, et aussitôt il eut la conviction que l’étranger, malgré sa chétive apparence, était mieux monté que lui, et qu’il fallait renoncer à toute tentative pour le devancer. Il fit donc prendre à son cheval une allure plus raisonnable. L’étranger, qui avait jusque-là gardé le silence, fit observer à Peveril que, pour faire assaut de vitesse avec lui, il n’était pas aussi bien monté qu’il aurait pu l’être, s’il n’eût pas renoncé au premier cheval qu’il avait acheté le matin.

Peveril en convint d’un ton sec, ajoutant que l’animal qu’il montait suffirait pour ce qu’il en voulait faire ; mais qu’il craignait fort de n’être pas en état de suivre un cavalier mieux monté que lui.

« Peu m’importe, je vous assure, » reprit poliment l’étranger ; « j’ai tant voyagé dans ma vie que j’ai pris l’habitude de donner à mon cheval l’allure qui convient le mieux à celui avec qui je me trouve. »

Peveril ne répliqua point, car il était trop sincère pour faire à ces paroles la réponse polie qu’elle semblait réclamer. Il y eut un nouveau silence, que lui-même rompit le premier, en demandant à l’étranger s’ils devaient continuer à marcher long-temps ensemble dans la même direction.

« C’est ce que je ne puis vous dire, » répondit l’autre en souriant, « à moins que je ne sache de quel côté vous allez. — Je suis tout à fait incertain du lieu où je passerai la nuit, » dit Julien, paraissant n’avoir pas compris l’espèce de question qui venait de lui être adressée. — Je vous en dirai autant, répliqua l’homme fluet. Quoique mon cheval vaille beaucoup mieux que le vôtre, je crois qu’il sera prudent de le ménager : ainsi donc,