Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/273

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comme celle d’un cheval. — Des hommes plus sages que moi ont été d’opinion qu’il était prudent de garder le silence quand on n’avait à dire que peu de chose ou rien. — Je ne suis pas de votre avis, répondit l’étranger ; on ne peut s’instruire que par les communications qu’on a, soit par les livres avec les morts, soit par la conversation avec les vivants, ce qui est beaucoup plus agréable. Le sourd-muet est seul privé de cette dernière ressource, et certainement sa situation n’est pas assez digne d’envie pour que nous cherchions à l’imiter. »

À cette réflexion, qui éveilla un souvenir dans le cœur de Peveril, le jeune homme examina son compagnon d’un regard pénétrant ; mais il ne vit rien dans la tranquillité de sa contenance et dans le calme de son œil bleu qui pût lui faire croire que ses dernières paroles eussent un sens caché. Il se tut un moment, et reprit : « Vous paraissez être un homme de beaucoup de finesse et de pénétration, et j’aurais cru que dans ces temps de méfiance vous auriez senti qu’on peut, sans mériter de blâme, désirer d’éviter toute relations avec des étrangers. Vous ne me connaissez pas, et vous m’êtes tout à fait inconnu ; nous n’avons donc pas grande chose à nous dire, à moins que nous ne conversions sur les sujets qui occupent généralement les esprits, et qui deviennent des semences de discorde entre les amis, à plus forte raison entre les étrangers. En tout autre temps, la société d’un homme instruit et spirituel me serait fort agréable pendant mon voyage solitaire ; mais à présent… — À présent ! » dit l’autre en l’interrompant. « Vous êtes comme les anciens Romains, qui donnaient au mot hostis la double signification d’étranger et d’ennemi. Je cesserai donc d’être étranger pour vous : mon nom est Ganlesse et ma profession, prêtre catholique romain ; je voyage pour sauver ma vie, et je suis enchanté de vous avoir pour compagnon de voyage. — Je vous remercie de tout mon cœur d’une pareille confiance, dit Peveril, et pour en profiter, je vous prierai ou de prendre l’avance, ou de rester derrière, ou de suivre un chemin de côté, selon que vous le jugerez convenable, car je ne suis pas catholique. Je voyage pour une affaire de haute importance, et je m’exposerais à éprouver des retards, peut-être même à courir des risques en restant dans une compagnie aussi suspecte que la vôtre. Ainsi donc, maître Ganlesse, choisissez votre chemin, et je choisirai le mien, car je vous demande la permission de m’abstenir de votre société. »