Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/274

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Peveril, en parlant ainsi, arrêta son cheval tout court.

L’étranger partit d’un éclat de rire : « Quoi ! s’écria-t-il, vous abstenir de ma société pour la bagatelle d’un danger ? Par saint Antoine ! comme le sang ardent des cavaliers est glacé dans les veines des jeunes gens d’aujourd’hui ! Ce jeune gaillard a, j’en, suis sûr, un père qui a couru plus d’aventures pour des prêtres persécutés, qu’aucun chevalier errant pour des beautés en détresse. — Cette raillerie est inutile, dit Peveril, et je vous supplie de vouloir bien poursuivre votre chemin. — Mon chemin est le vôtre, répondit l’opiniâtre Ganlesse, et nous voyagerons plus sûrement en marchant de compagnie. J’ai la recette de la graine de fougère, jeune homme, et je sais me rendre invisible. D’ailleurs, comment vous quitterai-je sur cette route où il n’y a de chemin ni à droite ni à gauche ? »

Peveril se remit en marche, voulant éviter une rupture violente que le ton calme et insouciant de l’étranger ne motivait réellement pas ; mais sa compagnie ne lui en était pas moins désagréable, et il resta déterminé à saisir la première occasion de se débarrasser de lui. Ganlesse, s’obstinant à marcher au même pas que lui, retenait avec précaution la bride de son cheval, comme pour se ménager un avantage en cas de querelle. Mais son langage ne laissait entrevoir aucune crainte.

« Vous êtes injuste envers moi, et vous vous faites tort à vous-même, dit-il à Peveril, vous ne savez où vous coucherez cette nuit : laissez-moi donc vous guider. Je connais un antique manoir à quatre milles d’ici, qui a pour seigneur châtelain un vieux, chevalier pantalon ; pour noble châtelaine une dame Barbara bien raide, bien empesée, et pour sommeiller un jésuite qui dit le bénédicité et les grâces. On vous contera la bataille d’Edgehill ou celle de Worcester pour assaisonner un pâté froid de venaison, que vous arroserez d’une bouteille de clairet couverte de toile d’araignée ; et puis un lit dans la cachette du prêtre, et, à ce que je crois, la jolie Betty, la servante de laiterie, pour vous le faire. — C’est ce qui m’importe fort peu, » dit Peveril, qui, en dépit de lui-même, ne pouvait s’empêcher de s’amuser de l’esquisse rapide que l’étranger venait de tracer de la plupart des vieux châteaux du Cheshire et du Derbyshire, dont les possesseurs étaient tous restés catholiques.

« Allons, je vois que je ne puis vous divertir de cette manière, » continua son singulier compagnon ; « j’aurai donc recours à un