Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/289

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saient amicalement sur la même botte de foin. L’une était celle du groom à la chevelure noire, l’autre, coiffée d’un vaste bonnet tricoté, sous lequel on apercevait quelques cheveux gris, une face de caricature, un nez en bec de faucon, et une mâchoire maigre et allongée, appartenait, selon toutes les apparences, au ministre de la gastronomie dont la veille il avait entendu chanter les louanges. Ces deux honorables personnages paraissaient s’être endormis dans les bras de Bacchus comme dans ceux de Morphée, car on voyait sur le plancher des flacons brisés ; et sans leurs ronflements sonores, à peine aurait-on cru qu’ils étaient encore au nombre des vivants.

Disposé à reprendre son voyage, comme le devoir et la nécessité le lui imposaient, Julien descendit un petit escalier, puis essaya d’ouvrir une porte qui se trouva au bas. Elle était fermée. Il appela, personne ne lui répondit. C’était probablement là, pensa-t-il, la chambre de ses deux convives, aussi profondément endormis sans doute que leurs valets, et que lui-même l’était quelques instants auparavant. Les éveillerait-il ? à quoi bon ? c’étaient des gens auxquels le hasard seul et non sa volonté l’avait réuni, et, dans la situation où il se trouvait, il jugeait beaucoup plus prudent de saisir la première occasion de quitter une société fort suspecte et peut-être dangereuse.

Tout en faisant ces réflexions, il vit une autre porte qu’il ouvrit, et qui l’introduisit dans une chambre à coucher où reposait un autre dormeur, ronflant harmonieusement. Les ustensiles de cabaret, les pintes, les brocs, etc., dont elle était encombrée, indiquaient que c’était celle de l’hôte, qui dormait entouré de tous les attributs de sa profession hospitalière.

Cette découverte tira Peveril d’un embarras qui résultait de sa délicatesse. Il mit sur la table une pièce d’argent suffisante, à ce qu’il crut, pour payer sa part du souper de la veille, ne se souciant pas de devoir quelque chose à des étrangers qu’il allait quitter sans même leur dire adieu.

Débarrassé de ce scrupule de conscience, Peveril, le cœur plus léger, quoique la tête encore un peu lourde, se rendit à l’écurie, qu’il reconnut aisément parmi les masures dont la cour était entourée.

Son cheval, bien reposé, et reconnaissant peut-être des soins qu’il lui avait rendus la veille, hennit en l’apercevant, ce que Peveril regarda comme un heureux augure pour son voyage. Il