Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/297

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de la justice seront restés les plus forts, comme de raison, puisqu’ils ont la loi pour eux, comme dit Matthieu Chamberlain. Mais, hélas ! si vraiment l’étoile polaire du château a cessé de luire, ce que Votre Honneur assure, il n’y a guère de doute que le vieux chevalier ne soit mort. — Pour l’amour du ciel, pour l’amour de l’or, si ce ne peut être par amitié ! dame Raine, procurez-moi un cheval pour me rendre au château. — Au château ! s’écria-t-elle, les têtes rondes, comme les nommait mon pauvre Roger, vous tueront comme ils ont tué votre père ! Il vaut mieux vous cacher dans le bûcher, et je vous enverrai par Betty une couverture et quelque chose pour souper ; ou, si cela ne vous convient pas, mon vieux Dobbin est dans la petite écurie à côté du poulailler : prenez-le, et hâtez-vous de sortir du pays, car vous n’y êtes pas en sûreté. Entendez-vous quelles chansons ils chantent en bas ? Croyez-moi, prenez Dobbin, et n’oubliez pas de laisser votre cheval à la place. »

Peveril n’en demanda pas davantage, et comme il se détournait pour se rendre à l’écurie, il entendit la bonne femme s’écrier d’une voix lamentable : « Ah, seigneur ! que dira Matthieu Chamberlain ? Mais qu’il dise ce qu’il voudra, je puis bien disposer de ce qui m’appartient. »

Julien, avec tout l’empressement d’un valet d’auberge qui a reçu un double pour-boire, mit les harnais de son coursier épuisé sur le dos du pauvre Dobbin, qui mangeait tranquillement sa ration de foin sans songer à la besogne que cette nuit lui réservait. Malgré l’obscurité de l’écurie, Julien réussit promptement dans ses préparatifs de voyage ; puis laissant à son cheval le soin de trouver le râtelier de Dobbin, il s’élança sur sa nouvelle monture, et, à l’aide des éperons, il lui fit gravir le chemin escarpé qui conduit du village au château. Dobbin, peu habitué à un tel exercice, soufflait, reniflait, et trottait de toutes ses forces. Enfin il conduisit son cavalier devant la grande porte de l’antique séjour de ses pères.

La lune se levait alors ; mais la porte, située dans un renfoncement entre deux tours qui la flanquaient, n’était point éclairée par ses rayons. Peveril mit pied à terre, laissant son cheval en liberté, et s’avança vers la porte, que, contre son attente, il trouva ouverte. En entrant dans la cour, il aperçut de la lumière dans la partie inférieure du château. Depuis les revers qu’avait éprouvés la famille, la grande porte du vestibule ne s’ouvrait que dans