Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/314

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grâces qui durèrent presque aussi long-temps que le bénédicité, les convives se levèrent de table, et le signal de la prière de famille fut donné. Une foule nombreuse de domestiques aussi graves, aussi sombres que leurs maîtres, vinrent silencieusement assister à cet acte de dévotion, et se rangèrent à l’extrémité inférieure de la salle. La plupart d’entre eux étaient armés du sabre droit que portaient les soldats de Cromwell. Plusieurs avaient des pistolets, d’autres des corselets et des cuirasses qui retentirent lorsqu’ils s’agenouillèrent pour participer à cet acte de dévotion. L’homme que Julien avait pris pour un prédicateur ne jouait aucun rôle dans cette circonstance. Le major Bridgenorth lut un chapitre de la Bible, qu’il accompagna de commentaires pleins d’une vigueur mâle, mais empreints quelque peu de fanatisme. Le XIXe chapitre de Jérémie fut le texte qu’il choisit : c’est celui où, sous l’emblème d’un vase brisé, le prophète présage la désolation de Jérusalem. Bridgenorth n’était pas naturellement fort éloquent ; mais une profonde conviction de la vérité de ce qu’il disait lui prêta tout à coup un feu et une énergie remarquables lorsqu’il compara l’abomination du culte de Baal à la corruption de l’Église de Rome, sujet favori des puritains de cette époque, et qu’il annonça aux catholiques et à ceux qui les favorisaient la destruction de la ville sainte. Ces auditeurs en firent une application beaucoup plus directe que lui-même, en jetant sur Julien un regard sombre et orgueilleux, qui lui fit comprendre qu’ils considéraient ces malédictions comme accomplies déjà par la ruine de sa maison.

Cette lecture terminée, ainsi que les commentaires, Bridgenorth invita les auditeurs à se réunir à lui dans la prière ; et le changement qui s’opéra entre eux lorsqu’ils s’agenouillèrent plaça Julien à côté du seul objet de son affection, qui en ce moment s’humiliait également pour adorer son Créateur. Cette prière mentale dura un moment, pendant lequel Peveril put entendre Alice demander au ciel les bienfaits de la paix pour la terre, et l’union entre les enfants des hommes.

La prière qui suivit fut dans un style différent. Elle fut faite par le même personnage qui avait rempli à table les fonctions de chapelain ; il parla du ton d’un Boanergès ou fils du tonnerre, d’un révélateur de forfaits, d’un homme invoquant la justice du ciel, enfin d’un prophète de malheur et de destruction. Il n’oublia point les événements du jour, le meurtre mystérieux de sir Edmondsbury-Godfrey, sur lequel il s’appesantit particulièrement, et ren-