Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/323

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nôtres ; s’il est nécessaire que j’amène des secours, tu m’en donneras le signal, en allumant le fanal. Tu peux le faire aisément, je réponds que les têtes-rondes sont trop occupées à boire et à piller pour faire attention à toi. Encore un mot : dis à milady que je suis allé chercher les mineurs de Bonne-Aventure. Les coquins se mutinaient hier pour leur salaire : ils ne demanderont pas mieux de faire un bon ou un mauvais coup. Qu’elle m’envoie ses ordres, ou plutôt apporte-les toi-même, tu as les jambes assez longues. — Qu’elles soient longues ou non, monsieur Lance (ce que vous ne savez pas au surplus), elles sauront faire votre commission ce soir pour l’amour du vieux chevalier et de milady. » Et à l’instant Cisly Sellok, espèce de Camille du comté de Derby, qui avait gagné le prix à la course à pied d’Ashbourne, se mit à courir vers le château avec une vitesse que peu d’hommes auraient égalée.

« Voilà une courageuse fille, dit Lance-Outram. Maintenant, ma tante, donnez-moi mon grand sabre : il est sur le ciel du lit ; donnez-moi aussi mon couteau de chasse, et ne craignez rien. — Et que vais-je devenir, moi ? » demanda d’un ton plaintif mistress Deborah.

« Vous pouvez rester avec ma tante, mistress Deborah, et par égard pour l’ancienneté de notre connaissance, elle veillera à ce qu’il ne vous arrive rien de fâcheux ; mais prenez garde à vous si vous tentez de vous échapper. »

À ces mots et tout en songeant à la tâche qu’il avait entreprise, le brave forestier se mit en route au clair de la lune, écoutant à peine les bénédictions et les recommandations de prudence que dame Ellesmère faisait pleuvoir sur lui. Ses pensées, tandis qu’il cheminait, n’étaient pas exclusivement belliqueuses : « Quelle jambe fine a cette gaillarde ! se disait-il ; elle détale aussi vite qu’une biche sur la rosée pendant l’été. Mais voici les huttes des mineurs ; voyons un peu l’affaire, Holà ! hé ! habitants des demeures souterraines, sortez de vos terriers ! Savez-vous que votre maître sir Geoffrey est mort ou n’en vaut pas mieux ? Mais peut-être ne vous en souciez-vous guère. Ne voyez-vous pas que le fanal a cessé de luire sur la tour ? et vous voilà tranquilles comme autant d’ânes rassemblés ! — Vraiment, répondit un des mineurs qui commençaient à sortir de leurs huttes :


« S’il est vrai qu’il soit mort soudain,
Il ne mangera plus de pain. »