Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/327

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Après avoir laissé tous les gosiers de sa troupe se délecter par un bruyant hourra, Lance-Outram fit observer le silence, et les conduisit vers Moultrassie-House par des chemins détournés où ils risquaient moins que partout ailleurs d’être aperçus. La bande se grossit, chemin faisant, de plusieurs vigoureux fermiers, partisans de la famille Peveril ou attachés au parti des cavaliers et des épiscopaux, et qui, alarmés des nouvelles qui commençaient à se répandre dans les environs, avaient couru aux armes.

Lance-Outram fit faire halte à sa troupe à la distance d’un trait d’arbalète, et s’avança, seul et en silence, pour reconnaître la maison : ce qu’il ne fit pas sans avoir ordonné préalablement à Ditchley et à ses mineurs de venir à son secours lorsqu’il sifflerait. Il marcha donc avec précaution, et ne tarda pas à se convaincre que ceux qu’il venait surprendre étaient fidèles à la discipline qui avait valu à leur parti une supériorité si décidée pendant la guerre civile : une sentinelle placée dans la cour se promenait en chantant pieusement un psaume, tandis que ses bras croisés sur sa poitrine soutenaient un fusil d’une formidable grandeur. »

« Un vrai soldat, pensa Lance-Outram, mettrait bientôt fin à ta chanson larmoyante et nasillarde, en t’envoyant une bonne flèche dans le cœur, ce qui ne causerait pas une grande alarme ; mais du diable si j’ai le courage d’un soldat ! Je ne saurais combattre un homme quand le sang ne me bout pas de colère ; et quant à tirer sur lui de derrière un mur, ce serait le traiter comme un daim. Il vaut mieux le regarder en face, et voir ce que je pourrai faire de lui. »

Cette résolution une fois prise, et sans chercher à se cacher plus long-temps, il entra hardiment dans la cour, feignant de s’avancer vers la porte de la maison, quand le vieux soldat de Cromwell qui était de garde s’écria : « Qui est là ? Halte-là, l’ami, ou je te tue ! » Ces mots se succédèrent rapidement, et en prononçant le dernier, le factionnaire coucha Lance-Outram en joue, et lui présenta le bout de son énorme fusil.

« Quoi ! s’écria Lance-Outram, êtes-vous dans l’usage d’aller à la chasse à une telle heure de la nuit ? D’honneur, vous ne trouverez plus que des chauve-souris ! — Écoute, l’ami, » répondit la sentinelle expérimentée, « je ne suis pas de ceux qui font leur devoir avec négligence. Tes paroles rusées ne sauraient m’attraper, quoique tu t’efforces de leur donner un air naturel et de