Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/334

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mots, et quelque argent qu’il jeta de nouveau dans la main de Lance-Outram leur fournit les moyens de passer gaiement la journée. Ils voulaient rester pour le protéger ; mais, craignant de nouveaux désordres, et se reposant entièrement sur la bonne foi du major, il les renvoya tous, excepté Lance, qu’il garda pour l’accompagner quand il quitterait Moultrassie-House. Avant de partir, il ne put s’empêcher de témoigner à Bridgenorth le désir qu’il avait de l’entretenir en particulier. Le major, accordant tacitement ce qui lui était demandé, conduisit Julien dans un petit salon d’été, et, avec sa gravité ordinaire, parut attendre en silence ce que Peveril avait à lui communiquer.

Julien, le voyant si réservé, trouva difficile d’aborder le sujet qu’il avait tant à cœur, en prenant un ton qui fût à la fois celui de la conciliation et de la dignité. « Major Bridgenorth, dit-il enfin, vous avez été fils et fils affectionné, vous pouvez concevoir mes inquiétudes. Mon père ! qu’a-t-on résolu à son égard. — Ce que la loi en décidera, répondit Bridgenorth ; s’il avait suivi les conseils que je lui ai fait donner, il aurait pu rester en sûreté dans la maison de ses ancêtres ; son sort n’est plus maintenant en mon pouvoir, bien moins encore au vôtre ; c’est son pays qui le jugera. — Et ma mère ? demanda Peveril. — Elle consultera son devoir, comme elle a toujours fait, et trouvera son bonheur à l’accomplir, répondit Bridgenorth. Croyez que mes intentions pour votre famille sont meilleures qu’elles ne peuvent le paraître, à travers ces brouillards épais que l’adversité a répandus sur votre maison. Je puis triompher comme homme, mais comme homme je dois me souvenir aussi dans mon heure de prospérité que mes ennemis ont eu la leur. Avez-vous autre chose à me dire ? » ajouta-t-il, après un moment de réflexion. « Vous avez repoussé à plusieurs reprises la main que je vous présentais ; il me semble qu’il n’y a plus rien de commun entre nous. »

Ces paroles, qui semblaient couper court à toute autre discussion, furent prononcées avec tant de calme que, bien qu’elles parussent interdire de nouvelles questions, elles ne purent arrêter celle qui était sur les lèvres tremblantes de Julien. Il fit un pas ou deux vers la porte, puis se retournant tout à coup : « Votre fille ! dit-il, pardonnez-moi, major Bridgenorth, d’oser prononcer son nom… mais ne puis-je vous interroger sur ce qui la concerne, et vous prier d’agréer mes vœux pour son bonheur — L’intérêt que vous lui portez n’est que trop flatteur, dit Bridgenorth ; mais