Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin d’avoir le temps de consulter les amis de sa famille sur les mesures à prendre pour prévenir le danger.

Ils voyagèrent de cette manière toute la journée, et vers le soir ils s’arrêtèrent à une petite auberge qui se trouvait sur la route. Ils appelèrent, mais personne ne se présenta d’abord pour les recevoir, bien que la maison fût très-éclairée et qu’on entendît dans la cuisine un bruit qu’il jugea ne pouvoir provenir que d’un cuisinier français au moment solennel du coup de feu. Comme il était alors très-rare qu’on employât le ministère des artistes culinaires d’outre-mer, la première pensée qui vint à l’esprit de Julien fut que tout ce tapage était probablement causé par le sieur Chaubert, dont il avait déjà pu apprécier le talent dans la compagnie de Smith et de Ganlesse.

Il présumait donc que l’un ou l’autre de ces individus, et peut-être même tous les deux étaient dans l’auberge. Dans ce cas, il pouvait sans doute trouver l’occasion de découvrir enfin qui ils étaient et quels étaient leurs desseins. Comment profiter d’une telle rencontre ? il l’ignorait. Mais le hasard le favorisa plus qu’il ne l’espérait.

« C’est à peine si je puis vous recevoir, mes chers messieurs, » dit l’hôte, qui parut enfin à la porte. « Il y a ce soir ici des espèces de gens de qualité qui n’auront peut-être pas assez de toute ma maison. — Nous sommes des gens fort simples et fort peu difficiles, répondit Julien. Nous nous rendons au marché de Moseley, et nous ne pouvons aller plus loin ce soir. Le moindre coin nous suffira ; placez-nous où vous voudrez.

« Si cela est, » reprit l’hôte fort poliment, « je puis mettre l’un de vous derrière la grande salle, quoique ces messieurs aient demandé à être seuls ; l’autre fera de nécessité vertu et m’aidera au comptoir. — Le comptoir sera pour moi, » dit Lance, sans attendre la décision de son maître : » c’est un élément qui m’est connu ; je puis y vivre et y mourir. — Le cabinet sera donc pour moi, » dit à son tour Julien, et reculant de quelques pas, il ordonna tout bas à Lance de changer d’habit avec lui, désirant, s’il était possible, de n’être point reconnu.

L’échange se fit en moins de rien, pendant que l’hôte était allé chercher de la lumière. Il les fit entrer dans l’auberge, recommandant à Julien de rester tranquille dans l’espèce de trou où il allait le placer, et de dire, si par hasard il venait à être découvert, qu’il était de la maison, et de lui abandonner le soin du