Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/389

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convenu dix ans plus tard. D’un air de duchesse, elle montra un siège à Empson, et nonchalamment lui demanda ce qu’il avait fait depuis un siècle qu’elle ne l’avait vu, et quelles étaient ces gens qu’il amenait avec lui.

« Des étrangers, madame, de maudits étrangers, répondit Empson « des mendiants mourants de faim, que notre vieil ami a ramassés ce matin dans le parc. La péronnelle danse, et le vaurien joue de la guimbarde, je pense. En vérité, madame, je commence à rougir du vieux Rowley ; je lui donnerai congé s’il ne voit meilleure compagnie à l’avenir. — Fi ! Empson, dit la dame ; considérez qu’il est de notre devoir de l’appuyer et de le maintenir ; pour moi, je vous le déclare, je m’en suis toujours fait une règle. À propos, il ne viendra pas ce matin ? — Il sera ici, répondit Empson, dans l’espace de temps qu’il faut pour danser un menuet. — Dieu ! » s’écria la dame d’un air d’alarme non affecté ; puis, oubliant tout à fait ses airs d’aimable langueur, elle courut, avec la rapidité d’une laitière, dans un appartement voisin, où l’on entendit quelques mots d’une discussion aigre et animée.

« Quelque amant à éconduire, je gage, dit Empson : fort heureusement pour madame que je lui ai donné l’éveil. Le voilà qui s’en va, l’heureux berger ! »

Julien était placé de manière que, de la même fenêtre à travers laquelle Empson regardait, il pût voir un homme, enveloppé d’une roquelaure galonnée, et portant une rapière sous le bras, sortir furtivement par la porte où il avait lui-même passé, et gagner celle de la cour, en suivant avec précaution le côté où il y avait de l’ombre.

La dame rentra dans l’instant et remarquant la direction des yeux d’Empson, dit d’un air un peu effaré : C’est un officier de la duchesse de Portsmouth qui était chargé de me remettre un billet, et qui m’a si importunément pressée de lui répondre, que je me suis vue forcée d’écrire sans ma plume à diamants. Je me suis même sali les doigts, » ajouta-t-elle en regardant une très-jolie main, et en trempant aussitôt le bout de ses doigts dans un petit vase d’argent plein d’eau de rose. « Mais j’espère, Empson, que le petit monstre exotique dont vous êtes accompagné ne comprend réellement pas l’anglais. Sur ma vie, elle rougit ! Est-ce en effet une danseuse remarquable ? Je veux la voir danser, et entendre ce garçon jouer de la guimbarde. — Danser ! répliqua Empson. Elle dansait assez bien, lorsque je jouais. Il n’y a rien que je ne