Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/390

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puisse faire danser : le vieux conseiller Clubfoot a dansé avec un accès de goutte ; vous n’avez jamais vu un semblable pas seul au théâtre. Je m’engagerais à faire danser les olivettes à l’archevêque de Cantorbéry tout aussi bien qu’un Français. Mais la danse n’est rien ; tout gît dans la musique : Rowley ne sent pas cela. Il a vu la pauvre fille danser, et s’en est émerveillé, tandis que tout vient de moi. Je l’aurais défiée de ne pas danser ; et Rowley lui en attribue tout le mérite, en lui donnant cinq pièces d’or par-dessus le marché, lorsque moi je n’en ai que deux pour toute ma matinée. — C’est vrai, maître Empson, dit la dame ; mais vous êtes de la maison, quoique dans une situation inférieure, et vous devez considérer… — Par Dieu ! madame, répondit Empson, tout ce que je considère, c’est que je suis le meilleur joueur de flageolet de l’Angleterre, et que l’on ne pourrait pas plus me remplacer, si l’on me renvoyait, qu’on ne pourrait remplir la Tamise avec le fossé de Fleet-Ditch. — Assurément, maître Empson, répliqua la dame, je ne dis pas que vous ne soyez un homme de talent ; toutefois, pensez-y bien : vous charmez l’oreille aujourd’hui, demain peut-être un autre aura cet avantage sur vous. — Jamais, mistress, tant que des oreilles auront le pouvoir céleste de distinguer une note d’une autre. — Le pouvoir céleste, dites-vous, maître Empson ? — Oui, madame, céleste. De très-jolis vers que nous avons eus pour nos fêtes ne disent-ils pas :


Ce que nous connaissons du céleste séjour,
C’est qu’on chante sans fin, c’est qu’on parle d’amour.


Ils sont de M. Waller, je crois ; et, sur ma parole, ce poète mérite d’être encouragé. — Et vous aussi, mon cher Empson, » dit la dame en bâillant, « ne fût-ce que pour l’honneur que vous faites à votre profession. Mais voulez-vous demander à ces gens s’ils désirent se rafraîchir ? et vous-même ne prendrez-vous rien ? Ce chocolat est celui que l’ambassadeur portugais a apporté pour la reine. — Pourvu qu’il soit pur, dit le musicien. — Comment, monsieur ! » dit la dame se soulevant à demi de sa pile de coussins ; « il ne serait pas pur, et dans cette maison ! Que veut dire cela, maître Empson ? je crois que, lorsque je vous vis pour la première fois, c’est à peine si vous distinguiez le chocolat du café. — Par Dieu, madame, répondit le joueur de flageolet, vous avez parfaitement raison. Et pourrais-je mieux témoigner combien j’ai profité de l’excellente chère que Votre Seigneurie m’a fait faire, qu’en me montrant délicat ? — Vous êtes excusé ; maître Empson, » dit