Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/394

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Afin de bien préparer les choses, les confédérés jugèrent à propos de la placer sous la direction d’une dame expérimentée, que quelques-uns appelaient mistress Chiffinch, et d’autres la maîtresse de Chiffinch[1]. C’était une de ces créatures obligeantes qui veulent bien remplir tous les devoirs d’une épouse, mais sans se lier par de gênants et d’indissolubles nœuds.

À cette époque de licence et de relâchement, les limites du vice et de la vertu se trouvaient tellement confondues, que l’épouse coupable ou la tendre amie qui n’était pas épouse, ne perdaient point leur place dans la société ; au contraire, si elles appartenaient à une sphère élevée, elles étaient admises et même encouragées à se mêler avec des femmes dont le rang était connu et la réputation intacte.

Une liaison régulière, comme était celle de Chiffinch et de sa maîtresse, entraînait peu de scandale ; et telle était son influence, comme premier ministre des plaisirs de son maître, ainsi que Charles lui-même se plaisait à le nommer, que la dame que nous avons fait connaître à nos lecteurs dans le dernier chapitre, avait obtenu un brevet de femme mariée ; et pour rendre justice à cette aimable personne, jamais épouse n’avait été plus attentive à suivre les plans de son mari, ni plus portée à dépenser ses revenus.

Elle habitait une suite d’appartements appelés du nom de Chiffinch, et qui étaient le théâtre de mille intrigues d’amour et de politique. Souvent Charles y passait la soirée en partie fine, lorsque, comme il arrivait fréquemment, la mauvaise humeur de la duchesse de Portsmouth, la sultane régnante, ne lui permettait pas de souper avec elle. La position avantageuse dans laquelle un pareil arrangement mettait un homme tel que Chiffinch, si capable d’en bien profiter, lui donnait une trop grande importance pour qu’il se vît dédaigné même par les premiers de l’État, à moins qu’ils n’eussent trop d’éloignement pour la politique et les intrigues de la cour.

Ce fut sous la direction de mistress Chiffinch et de celui dont elle portait le nom, qu’Édouard Christian plaça la fille de sa sœur et de son trop confiant ami. Contemplant sa ruine avec calme comme un événement certain, il espérait en faire la base d’une fortune plus assurée que celle dont une vie jusque-là dépensée en intrigues avait pu lui procurer les avantages.

  1. Mistress Chiffinch and Chiffinch’s mistress. Le mot mistress signifie dans le premier sens madame, et dans le second maîtresse. a. m.