Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/401

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de vous remettre le placet de la comtesse. — Et qui es-tu toi-même ? jeune homme, dit le souverain ; car, bien que tout être portant corset et jupon ait le droit de parler à un roi, et d’en obtenir une réponse, je ne sache pas qu’ils aient en même temps le privilège de s’adresser à lui par un envoyé extraordinaire. — Je suis Julien Peveril du Derbyshire, répondit le suppliant, le fils de sir Geoffrey Peveril de Martindale-Castle, qui… — Merci de moi ! le vieux soldat de Worcester ! dit le roi. Comment donc, je me le rappelle parfaitement. Quelque accident lui est arrivé, je crois : n’est-il pas mort, ou au moins malade ? — Il est très-mal à son aise, sire, mais non malade. Il a été emprisonné sur le soupçon d’avoir trempé dans le complot. — Voyez-vous ! dit le roi ; je savais bien qu’il lui était arrivé quelque chose ; et cependant je ne suis pas peu embarrassé pour secourir ce vieux et brave chevalier. C’est à peine si j’échappe moi-même à ces soupçons d’un complot dont le principal objet est de m’arracher la vie. Puis-je chercher à sauver un conspirateur, sans être accusé de complicité ?… Buckingham, tu as quelques rapports avec ceux qui ont imaginé ce beau chef-d’œuvre politique ou qui du moins l’ont su mettre à profit. Montre-toi bon une fois, contre ton habitude ; interpose-toi pour sauver notre vieil ami de Worcester, sir Godfrey : tu ne l’as pas oublié ? — Non, sire, répondit le duc ; car jamais je ne l’entendis nommer. — C’est sir Geoffrey que veut dire Sa Majesté, dit Julien. — Lors même que Sa Majesté voudrait dire sir Geoffrey, monsieur Peveril, je ne vois pas ce que je puis pour votre père, » répliqua le duc froidement. « Il est accusé d’un crime affreux ; et en pareil cas, un sujet anglais ne peut être sauvé ni par un prince, ni par un pair ; il ne doit attendre secours que de Dieu et de son pays. — À présent que Dieu te pardonne ton hypocrisie, George ! » dit le roi vivement ; « j’aimerais mieux entendre le diable prêcher la religion, que toi enseigner le patriotisme. Tu sais aussi bien que moi que la nation est dans un accès de fièvre, par la peur de ces pauvres catholiques, qui sont à peine deux contre cinq cents, et que l’esprit public est fatigué des récits de conspirations et des nouvelles horreurs inventées chaque jour, au point qu’on ne sait guère mieux reconnaître aujourd’hui ce qui est juste ou injuste, qu’un homme endormi ne peut distinguer ce qui est raisonnable de ce qui ne l’est pas. J’ai supporté tout cela jusqu’à présent ; j’ai permis que le sang coulât sur l’échafaud, craignant de contrarier la nation dans