Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/404

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bras de Julien, qu’elle avait tenu jusqu’alors ; mais, en parlant, elle continua de le retenir par le pan de son habit. « Je me suis égarée, » dit-elle, en s’adressant à mistress Chiffinch, « mais c’est lorsque j’ai passé le seuil de cette maison. L’outrage auquel j’ai été exposée chez vous me force à m’éloigner. — Je ne le permettrai pas, ma chère demoiselle, répondit la Chiffinch, jusqu’à ce que votre oncle, qui vous a confiée à mes soins, me déclare que je ne suis plus responsable de vous. — Je rendrai compte de ma conduite à mon oncle, et, ce qui est encore plus important, à mon père, dit Alice. Vous devez me permettre de partir, madame : je suis née libre, et vous n’avez pas le droit de me retenir. — Pardonnez-moi, ma jeune dame, dit mistress Chiffinch, j’ai ce droit, et j’en userai. — C’est ce que je veux savoir avant de m’éloigner, » dit Alice avec fermeté ; et s’avançant d’un pas ou deux, elle se jeta aux genoux du roi. « Sire, dit-elle, si c’est réellement devant le roi Charles que je suis agenouillée. Votre Majesté est le père de ses sujets. — D’une assez grande partie du moins, » dit à part le duc de Buckingham. — J’implore votre protection, au nom de Dieu, et du serment que prononça Votre Majesté lorsqu’elle mit sur sa tête la couronne du royaume ! — Elle vous est accordée, « dit le roi, un peu confus d’un appel si inattendu et si solennel. « Cependant demeurez avec cette dame, chez laquelle vous ont placée vos parents : ni Buckingham ni personne n’osera pénétrer chez vous. — Sa Majesté, » ajouta Buckingham, poussé par cet inquiet et malheureux esprit de contradiction qu’il ne pouvait jamais retenir, même lorsqu’il blessait le plus, non seulement la bienséance, mais encore son propre intérêt, « Sa Majesté vous protégera, belle demoiselle, contre toute attaque, excepté pourtant contre les visites que nous ne pouvons pas qualifier ainsi. »

Alice lança un regard pénétrant sur le duc, comme si elle avait lu dans sa pensée, et un autre sur Charles, pour voir s’il avait frappé juste. Une coupable rougeur qui couvrait le front du roi la détermina au départ. « Votre Majesté me pardonnera, dit-elle ; ce n’est pas ici que je puis jouir de sa royale protection. Je suis résolue à quitter cette maison. Si j’y suis retenue, ce sera par une violence que, je l’espère, personne n’osera me faire en présence de Votre Majesté. Ce noble cavalier, que je connais depuis long-temps, me ramènera vers mes amis. — Nous faisons, ce me semble, une sotte figure dans cette scène, » dit Charles à voix basse en s’adressant au duc de Buckingham ; « mais il faut lui permettre