Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/411

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compagnes, et ne leur faisant, lorsqu’ils se trouvaient en contact, aucune des politesses que les plus simples bienséances prescrivent quand on se rencontre avec une dame sur le haut du pavé.

Peveril ne remarqua pas tout de suite leur impertinence ; mais quand elle devint trop grossière pour échapper à son observation, la bile commença à l’échauffer ; et outre les autres embarras de sa situation, il eut à combattre un ardent désir de bâtonner d’importance les deux fats qui semblaient si déterminés à l’insulter. Patience et prudence lui étaient sans doute impérieusement commandées par les circonstances ; mais enfin il lui fut à peu près impossible d’en écouter plus long-temps les conseils.

Quand, pour la troisième fois, Julien se trouva obligé avec ses compagnes de dépasser le couple d’insolents freluquets, ils le suivirent pas à pas, parlant assez haut pour être entendus, et d’un ton qui montrait qu’ils ne s’inquiétaient guère qu’on les écoutât ou non.

« Voici un rustre bien heureux, » dit le plus grand des deux, (qui était d’une taille vraiment remarquable), faisant allusion à la simplicité des vêtements de Peveril, peu dignes en effet du luxe de la capitale. « Deux si jolies filles sous la garde d’une casaque grise et d’un gourdin de chêne. — Bah ! dites donc plutôt un puritain, répliqua son camarade, et plus encore. Ne voyez-vous pas le puritanisme dans sa dégaine et dans sa patience ? — Juste comme une pinte remplie jusqu’au bord, Tom, repartit le premier. Issachar est un âne qui plie entre deux fardeaux. — J’ai envie de débarrasser ce Laurence à longues oreilles d’une de ses deux charges, » reprit le plus petit de ces drôles. « Cette naine aux yeux noirs a l’air de vouloir le quitter. — En effet, répliqua le plus grand ; et cette peureuse aux yeux bleus paraît ne marcher si doucement que pour tomber dans mes bras. »

À ces mots, Alice, serrant plus que jamais le bras de Peveril, doubla presque le pas au point de courir, afin de fuir des hommes dont le langage était si alarmant ; et Fenella fit également preuve de vitesse, comprenant peut-être, d’après les gestes et la conduite des deux jeunes gens, les craintes que leurs discours avaient inspirées à Alice.

Effrayé des suites d’une querelle en pleine rue, qui devait nécessairement le séparer de ces jeunes filles sans protection, Peveril tâcha de mettre d’accord et la prudence dont il avait besoin pour les défendre, et son ressentiment qui s’animait toujours da-