Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/412

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vantage ; et comme ces ennuyeux impertinents s’efforçaient encore de passer devant lui près de l’escalier d’Hungerford[1], il leur dit avec un calme forcé : « Messieurs, je dois vous remercier de l’attention que vous avez prise aux affaires d’un étranger ; si vous avez quelque prétention au titre de messieurs que je vous ai donné, vous me direz où je pourrai vous rencontrer. — Et dans quelle intention, » dit le plus grand des deux en ricanant, « votre gravité rustique ou votre grave rusticité nous fait-elle une semblable demande ? »

En parlant ainsi, tous deux se mirent en face de Julien de manière qu’il lui fut impossible de faire un pas en avant.

« Descendez l’escalier, Alice, dit-il, je vais vous rejoindre dans un instant. » Alors se débarrassant, mais non sans peine, de ses deux compagnes qui le tenaient toujours, il entoura promptement son bras gauche de son manteau, et dit d’un ton hautain à ses adversaires : « Me donnerez-vous vos noms, messieurs, ou me laisserez-vous passer ? — Pas avant que nous sachions à qui nous devons faire place, répondit l’un d’eux. — À quelqu’un qui va vous donner une leçon de ce qui vous manque… d’honnêteté, » répliqua Peveril, et il s’avança hardiment pour passer entre eux.

Ils s’écartèrent, mais l’un d’eux avança son pied devant Peveril, comme s’il voulait le faire tomber. Le sang de ses nobles ancêtres bouillonnait déjà dans ses veines ; il appliqua sur le nez du personnage un coup de ce bâton de chêne qu’ils venaient de tourner en ridicule, et le jetant au loin, dégaina aussitôt son épée. Les deux autres dégainèrent aussi, et l’attaquèrent en même temps ; mais il reçut la pointe d’une des deux rapières dans son manteau, et para avec la sienne la botte qu’on lui portait d’un autre côté. Il aurait pu être moins heureux à la seconde passe, mais un cri général s’éleva parmi les bateliers : « Fi donc, fi ! Quel honte ! deux contre un ! — Ce sont des gens du duc de Buckingham, dit un d’entre eux, il ne fait pas bon de se frotter à eux. — Qu’ils soient gens du diable, s’ils veulent, » dit un ancien triton en brandissant une rame ; « mais franc jeu d’abord, et vive la vieille Angleterre ! Je tombe sur les pantins à galons d’or s’ils ne combattent pas honnêtement avec cet habit gris : l’un à bas, l’autre pourra venir. »

Le bas peuple de Londres s’est de tout temps distingué pour le plaisir qu’il trouve à voir les combats au bâton ou à coups de

  1. Escalier qui descend la Tamise, dans le quartier dit le Strand, à Londres. a. m.