Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/413

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poing, et par la justice et l’impartialité avec laquelle il exige que les choses se fassent dans les règles. La noble science de l’escrime était alors si généralement connue, qu’un combat à la rapière excitait autant d’intérêt et aussi peu de surprise qu’une lutte de boxeurs aujourd’hui. Habitués à de semblables affaires, les spectateurs formèrent aussitôt un cercle au milieu duquel Peveril et le plus grand, le plus vigoureux de ses deux ennemis engagèrent bientôt un combat singulier, tandis que l’autre, retenu par les assistants, ne pouvait prendre part à la querelle.

« Bien tapé, grand gars !… Bien poussé, longues jambes !… Huzza pour les deux aunes un quart ! » Telles étaient les exclamations que la lutte provoqua d’abord ; car l’adversaire de Peveril non seulement montrait beaucoup d’adresse et d’activité, mais encore obtenait un avantage marqué par suite de l’inquiétude avec laquelle Julien cherchait toujours des yeux Alice Bridgenorth : le soin de veiller à la sûreté de cette jeune fille le détourna un moment de celui qu’il aurait dû donner exclusivement à la défense de sa propre vie. Une légère égratignure qu’il reçut au côté le punit et l’avertit en même temps de son inattention. S’appliquant alors tout entier à l’affaire dont il s’agissait, et enflammé de colère contre cet impertinent provocateur, il fit prendre une autre tournure au combat, et l’on entendit bientôt crier : « Bravo, habit gris !… Voyez un peu de quel métal est doublé son gilet d’or !… Joliment poussé !… Paré admirablement !… Encore une boutonnière à son pourpoint brodé !… Enfin le voilà pincé, de par Dieu ! » Cette dernière exclamation partit au milieu d’un vacarme d’applaudissements universels qui accompagnèrent une botte heureuse et décisive par laquelle Peveril coucha sur le pavé son gigantesque adversaire. Il regarda un instant son ennemi renversé, puis, se remettant aussitôt, il demanda ce qu’était devenue la dame.

« Ne songez plus à elle, si vous êtes sage, dit un des bateliers. Le constable sera ici dans un moment. Je vais vous faire passer l’eau en un clin-d’œil. Ah ! c’est qu’il y va peut-être de votre cou. Je ne vous demanderai qu’un jacobus. — Tu seras damné, comme ton père l’a été avant toi, s’écria un de ses rivaux : pour un jacobus, je conduirai monsieur en Alsace[1], où n’iront le poursuivre ni bailli ni constable. — Et cette dame, misérables, cette dame !

  1. Lieu de refuge alors existant à Londres, et dont il est question dans les Aventures de Nigel. a. m.