Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/439

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CHAPITRE XXXV.

L’APPARITION.


… De langues aériennes qui prononcent le nom des hommes.
Milton. Comus.


Julien s’était endormi, la tête plus pleine de ses tristes réflexions que du babil mystique du petit chevalier ; et cependant il arriva que ses visions eurent plus de rapport avec les discours du nain qu’avec ses propres idées.

Il rêva d’esprits glissant sous ses yeux, de fantômes parlant avec volubilité, de mains sanglantes qui s’agitaient dans l’ombre, et semblaient l’appeler comme un chevalier errant destiné à de terribles aventures. Plus d’une fois il s’éveilla en sursaut, tant était vive l’impression que ces songes produisaient sur son imagination ! et alors il lui semblait toujours qu’il y avait quelqu’un près de son lit. Le froid qu’il sentait aux pieds, la pesanteur de ses fers, et le bruit qu’ils faisaient lorsqu’il se retournait sur son grabat, lui rappelèrent dans quel lieu il se trouvait et à quelle occasion. L’extrémité à laquelle il voyait réduit tout ce qu’il avait de plus cher répandait dans son cœur un froid plus glacial encore que celui des chaînes dont ses jambes étaient entourées ; et il lui était impossible de retomber dans le sommeil sans demander au ciel sa protection par une prière mentale. Mais lorsqu’il fut réveillé pour la troisième fois par ces images effrayantes, l’angoisse de son esprit se manifesta par des paroles, et il ne put retenir cette exclamation de désespoir : « Mon Dieu, ayez pitié de moi ! » — Amen ! » répondit une voix aussi douce qu’une rosée de miel, et qui lui sembla prononcer ce mot à son chevet même.

L’explication naturelle était que Geoffrey Hudson, son compagnon d’infortune, avait répondu à une prière si bien appropriée à leur situation respective ; mais le son de cette voix était si différent des accents durs et discordants du nain, que Peveril demeura convaincu qu’elle n’avait pu sortir de la bouche d’Hudson. Il fut frappé d’une terreur involontaire, qu’il lui eût été difficile d’expliquer raisonnablement ; et ce ne fut qu’avec un grand effort qu’il parvint à faire cette question : « Sir Geoffrey avez-vous parlé ? »

Point de réponse. Il renouvela sa question plus haut, et la même voix argentine qui s’était déjà associée à ses prières en di-