Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dées, et de différentes couleurs, ou plutôt de diverses nuances d’une même couleur, comme pour éviter les contrastes. Elles s’ouvraient par-devant de manière à laisser voir le cou et une partie de la gorge, qui d’ailleurs était presque cachée par une collerette de la plus fine dentelle ; par-dessus elle portait une espèce de manteau garni des plus riches fourrures. Un turban petit, mais magnifique, négligemment placé sur sa tête, laissait échapper en abondance de belles tresses de cheveux noirs que Cléopâtre aurait enviées. Le goût et la splendeur de ce costume oriental s’accordait avec le teint de la jeune personne, dont la couleur était assez foncée pour qu’elle pût être prise pour une Indienne.

Ses traits étaient animés d’une vivacité si expressive, qu’on remarquait à peine ce qui leur manquait en beauté régulière ; et des yeux aussi brillants que des diamants, des dents aussi blanches que des perles, n’échappèrent pas au duc de Buckingham, connaisseur achevé en attraits féminins. En un mot, la fille bizarre et singulière, qui apparaissait si soudainement à ses regards, avait une de ces figures qu’on ne peut voir sans qu’elles laissent une impression qu’on se rappelle long-temps après qu’on a cessé de les voir, et pour lesquelles on est tenté d’inventer cent histoires, afin de complaire à l’imagination, en supposant que leur singularité provient des différentes sortes d’émotions qu’elles semblent exprimer. Chacun doit avoir gardé le souvenir de certaines physionomies de ce genre, qui, par une séduisante et gracieuse originalité d’expression, restent plus long-temps dans la mémoire et captivent mieux l’imagination que les beautés régulières.

« Milord duc, dit la jeune fille, il me semble que mon voile a produit sur Votre Grâce un effet vraiment magique. Hélas ! qu’est donc devenue la princesse captive dont le moindre signe devait être un ordre pour un vassal aussi éminent que vous, milord ? Elle court grand risque, je crois, d’être mise à la porte, comme une seconde Cendrillon, pour aller chercher fortune parmi les laquais et les porteurs. — Je suis stupéfié ! répliqua le duc. Ce coquin de Jerningham ? J’aurai le sang de ce misérable ! — N’en voulez pas à Jerningham pour toute cette affaire, dit l’inconnue, niais prenez-vous-en plutôt à votre malheureuse absence. Pendant que vous couriez la poste vers le Nord en brodequins de satin, pour régler les affaires du roi, la véritable et légitime princesse, milord duc, passait ici son temps à gémir et à pleurer sur la triste