Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/495

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le permettait l’étiquette, il leur fit donner l’ordre de s’éloigner, et de se retirer du cortège royal. Madame Chiffinch en exprima son dépit, et, malgré le précepte de Salomon, elle maudit le roi dans son cœur ; mais elle dut se résigner à s’en retourner chez elle, afin de diriger les préparatifs de Chaubert pour la soirée.

Cependant la barque royale s’arrêta à la Tour, et le joyeux monarque, accompagné d’une troupe folâtre de dames et de courtisans, fit retentir les murs de la vieille prison des accents de l’allégresse et de la gaieté, auxquels ils n’étaient guère accoutumés. Pendant qu’on montait de la rivière vers le centre des bâtiments où s’élève le beau et gothique donjon de Guillaume-le-Conquérant, appelé la tour Blanche, qui domine toutes les fortifications extérieures, Dieu sait combien on fit de plaisanteries, bonnes ou mauvaises, sur la comparaison de la prison d’état de Sa Majesté avec celle de Cupidon ; combien on établit de rapprochements piquants entre les canons de la forteresse et les beaux yeux des dames. De semblables propos débités avec l’aisance du bon ton, et écoutés par les dames avec un sourire d’indulgence, composaient à cette époque la conversation à la mode.

Ce joyeux essaim de têtes à l’évent ne s’attacha pas constamment aux pas du roi, quoiqu’il eût formé son cortège sur la Tamise. Charles, qui prenait quelquefois des résolutions dignes d’un roi et d’un homme raisonnable, quoique son indolence et l’amour du plaisir les lui fissent trop aisément oublier, avait eu le désir d’inspecter par lui-même les munitions de guerre, les armes, etc., dont la Tour était alors, comme à présent, le dépôt général. De tous les courtisans qu’il avait amenés avec lui, deux ou trois seulement l’accompagnèrent dans cette visite. Pendant que le reste de sa suite s’amusait comme il le pouvait dans les autres parties de la Tour, Charles, suivi des ducs de Buckingham et d’Ormond, et de deux ou trois autres, parcourait la salle bien connue où se trouve la plus magnifique collection d’armes qui soit au monde. Quoique cette salle ne fût pas dans l’état admirable où nous la voyons aujourd’hui, c’était pourtant déjà un arsenal digne de la grande nation à laquelle il appartenait.

Le duc d’Ormond, bien connu par ses services dans la grande guerre civile, était alors, comme nous l’avons dit ailleurs, dans des termes assez froids avec Sa Majesté. Cependant le roi lui demandait souvent son avis ; ce qu’il fît en cette occasion, où il avait lieu de craindre que le parlement, par zèle pour la religion