Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/511

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non, milord. — Et s’il vous plaît, docteur, continua le juge, comment, dans les nombreuses révélations que vous avez faites dernièrement, avez-vous omis une circonstance aussi importante que la participation de cette puissante famille à la conspiration ? — Milord, » répondit Oates avec une effronterie extraordinaire, « je ne viens pas ici pour qu’on mette en question mes dépositions touchant le complot. — Je ne les mets point en question, docteur, » répondit le juge, qui n’osait encore le traiter avec le mépris qu’il méritait ; « je ne doute pas non plus de l’existence du complot, puisqu’il vous a plu de l’affirmer sous serment : je voudrais seulement, dans votre intérêt, et pour la satisfaction de tous les bons protestants, vous entendre expliquer pourquoi vous avez caché au roi et à la nation un point d’information si important. — Milord, répondit Oates, je vous raconterai une petite fable à ce sujet. — Je pense, dit le juge, que c’est la première et la dernière que vous débiterez ici. — Milord, il y avait une fois un renard qui, ayant à transporter une oie par-dessus une rivière couverte de glace, et craignant que la glace ne fût pas assez solide pour porter lui et son butin, commença, pour en essayer la solidité, par porter d’abord une pierre. — Ainsi, dit le juge, vos premières dépositions étaient la pierre, et aujourd’hui, pour la première fois, vous nous apportez l’oie. Docteur, c’est là traiter en oisons messieurs de la cour et du jury. — Je souhaite que Votre Honneur donne un sens favorable à mes paroles, » répondit Oates qui, voyant l’opinion se déclarer contre lui, résolut de se tirer d’affaire à force d’effronterie. « Tout le monde sait ce qu’il m’en a coûté pour faire mes révélations, lesquelles, grâce à Dieu, ont servi à éveiller cette malheureuse nation sur la situation périlleuse où elle est placée. Il y a ici bien des gens qui savent que j’ai été obligé de fortifier mon logement à White-Hall, pour déjouer les projets sanguinaires des papistes. Personne ne pouvait penser que j’aurais raconté toute l’histoire du premier coup. Votre prudence, j’en suis convaincu, ne m’en aurait pas donné le conseil. — Ce n’est pas à moi, docteur, répliqua le juge, de diriger votre conduite dans cette affaire ; c’est au jury de décider si vos paroles lui paraissent ou non dignes de foi. Je siège ici pour rendre une impartiale justice à l’accusé comme à l’accusateur. Le jury a entendu votre réponse à ma question. »

Le docteur Oates quitta le banc des témoins, le rouge peint sur la figure, en homme absolument inaccoutumé à entendre élever