Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/519

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pourrait leur adresser, tandis que la fermeté de leur démarche et leur bonne contenance empêcheraient peut-être la canaille d’en venir à des violences réelles. Mais cet avis prudent ne put être suivi lorsqu’ils eurent passé devant le palais, à cause du caractère vif du vieux sir Geoffrey, et du naturel non moins irritable du Galfridus minimus, dont l’âme méprisait toute différence de nombre aussi bien que de taille.

« Que la peste emporte tous ces coquins ; avec leurs cris et leurs hurlements ! dit sir Geoffroy le Grand ; par la clarté du jour ! si je pouvais seulement trouver un gourdin, je ferais entrer à force de coups la raison et la loyauté dans quelques-unes de leurs carcasses ! — Et moi aussi, » dit le nain, qui suait pour suivre les longues enjambées de son compagnon, et qui essoufflé pouvait à peine articuler ses paroles ; « moi aussi je bâtonnerais outre mesure cette vile canaille ! heim ! heim ! »

Dans la foule qui les environnait, les arrêtait et les empêchait de se mouvoir, était un malin garçon cordonnier qui, venant à entendre cette malencontreuse bravade du nain belliqueux, y répliqua en lui déchargeant sur la tête un coup d’une botte qu’il reportait à son propriétaire, de façon à enfoncer jusqu’aux yeux le chapeau du petit bonhomme. Le nain, se trouvant ainsi dans l’impossibilité de découvrir l’espiègle qui lui avait porté le coup, se jeta par une sorte d’instinct sur le plus gros drôle de la foule. Ce dernier répondit à l’attaque en allongeant dans la poitrine du petit champion un coup de poing qui le renvoya près de ses compagnons. Alors ils furent assaillis de tous côtés ; mais la fortune, se prêtant aux désirs de sir Geoffrey le Grand, voulut que la querelle eût lieu près de la boutique d’un armurier ; de sorte que, parmi les armes qui étaient exposées à la vue du public, sir Geoffrey Peveril put saisir un sabre, qu’il se mit à brandir avec l’adresse formidable d’un homme qui était familiarisé depuis longtemps avec l’usage d’une arme semblable. Julien, tout en appelant à grands cris un officier de paix, et en représentant aux assaillants qu’ils attaquaient des passants tranquilles, ne vit rien de plus convenable que d’imiter l’exemple de son père, et s’empara aussi d’une des armes que le hasard lui offrait si heureusement.

Lorsqu’ils se montrèrent ainsi déterminés à se défendre, l’impétuosité avec laquelle la populace se précipita d’abord sur eux fut si grande, que le malheureux nain fut renversé, et qu’il aurait été infailliblement écrasé dans la bagarre, si son vigoureux ho-