Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/529

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Julien reconnut bientôt que l’assemblée où il venait ainsi d’être introduit secrètement était de cette dernière classe, et, à en juger par la violence du prédicateur, d’opinions tout à fait exagérées, il en fut encore plus entièrement convaincu, lorsque, à un signe de Bridgenorth, il leva avec précaution un coin du rideau qui était tendu sur le devant de la galerie, et, sans être vu lui-même, put ainsi examiner l’auditoire et considérer le prédicateur.

Deux cents personnes environ étaient réunies dans une vaste salle garnie de bancs, et paraissaient s’occuper de l’exercice d’un culte. Toutes étaient du sexe masculin, et bien armées de piques, de mousquets, d’épées et de pistolets. La plupart avaient l’air de soldats vétérans qui avaient passé le milieu de la vie, mais qui semblaient conserver encore assez de force pour suppléer à l’agilité de la jeunesse. Ils étaient debout ou assis, dans différentes attitudes, qui toutes dénotaient une attention profonde ; et appuyés sur leurs piques ou leurs mousquets, ils tenaient leurs yeux constamment fixés sur le prédicateur, qui termina une violente déclamation en déployant du haut de la chaire une bannière où l’on voyait un lion avec cette devise : Vicit Leo ex tribu Judœ[1].

L’éloquence mystique et fougueuse du prédicateur, vieillard à cheveux gris, à qui son zèle semblait rendre la voix et la véhémence que l’âge lui avait ôtées, convenait admirablement au goût de ses auditeurs, mais ne pourrait être reproduite dans ces pages sans inconvenance et sans scandale. Il menaça le gouvernement d’Angleterre de tous les jugements rendus contre les princes de Moab et d’Assyrie ; il conjura les saints d’être forts, de se lever et d’agir, et promit ces miracles qui, dans les campagnes de Josué et de ses successeurs, les vaillants juges d’Israël, avaient suppléé à tout contre les Ammonites, les Madianites et les Philistins. Il termina par des allusions aux figures emblématiques de l’Apocalypse, et par une prédiction de la fin prochaine du monde, avec l’énumération de tous les signes effrayants qui en devaient être les avant-coureurs.

Julien, tourmenté d’inquiétude, en eut bientôt entendu assez pour se convaincre que l’assemblée se terminerait probablement par une insurrection ouverte, comme celle des hommes de la cinquième monarchie, sous Venner, au commencement du règne de Charles, et ne pensa qu’avec effroi que probablement Bridgenorth était engagé dans une entreprise si criminelle et si désespérée.

  1. Le lion de Juda a vaincu. a. m.