Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/533

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ne puis sans crime rejeter le secours que la Providence envoie à ses serviteurs. Nous ne sommes, nous, qu’en bien petit nombre, quoique déterminés ; ceux dont les faucilles viennent nous aider à couper la moisson doivent être les bienvenus ; quand l’ouvrage sera fini, ils seront convertis ou dispersés. Avez-vous été à York-Place, frère ? Y avez-vous vu cet Épicure chancelant ? Il nous faut sa dernière résolution, et cela avant une heure. »

Christian regarda Julien, comme si sa présence l’empêchait de répondre ; sur quoi Bridgenorth se levant prit le jeune homme par le bras, et le conduisit de cet appartement à celui où ils avaient laissé son père. Il lui assura, chemin faisant, que des gardes vigilants et résolus étaient postés à toutes les issues de la maison par lesquelles il était possible de s’évader, et qu’il ferait bien d’engager son père à rester tranquillement prisonnier durant quelques heures.

Julien ne répondit pas, et le major se retira aussitôt, le laissant seul avec son père et le petit Hudson. À leurs questions il ne put que répondre brièvement qu’il craignait qu’ils n’eussent été attirés dans un piège, puisqu’ils étaient dans la maison avec deux cents fanatiques au moins, complètement armés, et paraissant prêts à tenter quelque entreprise désespérée. Se trouvant eux-mêmes désarmés, ils ne pouvaient recourir à la force ouverte ; et quelque fâcheux qu’il fût de rester dans une pareille position, il semblait difficile, vu la solidité des fermetures de la porte et des fenêtres, de chercher à s’évader secrètement sans être aussitôt découvert.

Le vaillant nain avait seul des espérances qu’il chercha vainement à faire partager à ses compagnons d’infortune. « La belle dont les yeux pareils aux astres jumeaux de Léda, dit-il, (car le petit homme était grand admirateur du langage élevé), ne l’avait pas invité, lui le plus dévoué et non le moins favorisé peut-être de ses serviteurs, à entrer dans cette maison comme dans un port assuré, pour qu’il ne vînt qu’y faire naufrage ; » et il assura généreusement à ses amis que dans sa sûreté ils trouveraient aussi la leur.

Sir Geoffrey, peu satisfait de cette promesse, exprima son désespoir de ne pouvoir aller jusqu’à White-Hall, où il espérait trouver assez de braves cavaliers pour étouffer avec leur secours tout l’essaim de guêpes dans le guêpier ; tandis que Julien pensait que le meilleur service qu’il pourrait rendre à Bridgenorth serait de