Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/542

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a rendu ce titre assez ignoble et impopulaire) un lord lieutenant du royaume. Les patriotes qui prennent sur eux de venger les injures faites au pays, et d’éloigner les mauvais conseillers de devant le trône du roi, pour qu’il puisse désormais s’appuyer sur la justice elle-même (voilà bien la phrase, je crois) ne peuvent manquer de faire un bon choix. — Sans aucun doute, milord duc, puisqu’il n’y a qu’un homme dans les trois royaumes sur qui le choix puisse tomber. — Je vous remercie, Christian, et je m’en rapporte à vous. Allez, et préparez tout. Soyez sûr que vos services ne seront pas oubliés. Nous vous garderons près de nous. — Milord duc, vous m’attachez à vous doublement ; mais rappelez-vous que, si l’on épargne à Votre Grâce toute démarche dangereuse qui pourrait être nécessitée par ces opérations militaires, ou autrement, il sera convenable que vous vous teniez prêt, au premier signal, à vous mettre à la tête d’une bande d’amis et d’alliés honorables, et que vous veniez tout de suite au palais, où vous serez reçu par les vainqueurs comme chef et par les vaincus comme sauveur. — Je conçois, je conçois : j’aurai soin de me tenir prêt. — Puis, milord, pour l’amour du ciel, qu’aucune de ces fantaisies qui sont les Dalilas de votre imagination, ne vienne vous troubler ce soir et empêcher l’exécution de ce sublime dessein ! — Mais, Christian, me croyez-vous donc fou ? » répondit le duc avec emphase. « C’est vous qui lambinez, lorsque vous devriez donner les ordres nécessaires pour une tentative si hardie. Allez donc ; mais écoutez-moi, Ned Christian : avant que je vous quitte, dites-moi quand je reverrai cette créature d’air et de feu, cette péri orientale qui s’introduit dans les appartements par le trou des serrures, et qui en sort par les croisées, cette houri aux yeux noirs venue du paradis de Mahomet ; quand, dis-je, la reverrai-je ? — Quand Votre Grâce tiendra le bâton de lord lieutenant du royaume, » dit Christian, et il sortit.

Après son départ, Buckingham demeura quelques moments plongé dans une grave méditation. « Devais-je agir ainsi ? » se demanda-t-il en discutant la chose avec lui-même ; « ou plutôt avais-je le choix d’agir autrement ? Ne dois-je pas courir au palais, et révéler à Charles la trahison qui l’assiège ? J’irai de par le ciel !… Ici, Jerningham ; ma voiture, avec la rapidité d’un éclair !… Je vais me jeter à ses pieds, et lui dire toutes les folies que j’ai rêvées avec ce Christian ! Et puis il me rira au nez, et me repoussera !…