Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/566

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que nous allions directement à la cour. — Je le sais ; mais je crois que je ne puis manquer de le rencontrer. Vous n’êtes pas officier de paix, monsieur Chiffinch ; vous n’êtes porteur d’aucun mandat, soit pour me retenir prisonnier, soit pour m’empêcher de parler à qui bon me semble. — Votre génie est si fertile, milord, vous avez tant de moyens pour vous tirer de mauvaises affaires, que ce ne sera jamais de plein gré que je nuirai à un homme qui a tant de ressources et de popularité. — Eh bien donc ! petit bonhomme vit encore, » dit le duc. Il se mit à siffler, et au même instant Christian parut à la porte de l’armurier que nos lecteurs connaissent déjà, et il accourut à la portière de la voiture.

« Ganz ist verloren[1], dit le duc. — Je le sais, répondit Christian, et tous nos saints amis se sont dispersés en apprenant cette nouvelle. Heureusement le colonel et ses coquins d’Allemands ont donné l’éveil à temps. Tout est en sûreté ; vous allez à la cour, je vous y suivrai. — Vous ? Christian ; ce serait un trait d’amitié plutôt que de sagesse. — Et pourquoi ? Qu’y a-t-il contre moi ? Je suis aussi innocent que l’enfant à naître. Il en est de même de Votre Grâce. Une seule créature pourrait rendre témoignage contre nous, et je me flatte de la faire parler en notre faveur. D’ailleurs, si je n’y allais pas, on m’enverrait chercher dans un instant. — Il est sans doute question de l’esprit familier dont nous avons déjà parlé ? — Un mot à l’oreille. — Je vous comprends, et je ne m’arrêterai pas plus long-temps, maître Chiffinch ; car il faut que vous sachiez que c’est lui qui est mon conducteur. Allons, Chiffinch, dites-leur d’avancer. Vogue la galère ! » s’écria-t-il lorsque la voiture se remit en mouvement ; « j’ai fait voile à travers des écueils plus dangereux que ceux-là. — Ce n’est pas à moi d’en juger, dit Chiffinch ; Votre Grâce est un hardi capitaine, et Christian un pilote qui a toute l’adresse du diable. Néanmoins je demeure l’humble ami de Votre Grâce ; et me réjouirai sincèrement de vous voir sortir d’embarras. — Donnez-moi une preuve de votre amitié, dit le duc, en m’apprenant ce que vous savez de l’esprit familier de Christian, comme il l’appelle. — Je pense que c’est cette danseuse qui vint chez moi avec Empson, le matin où mistress Alice nous échappa. Mais vous l’avez vue, milord ? — Moi ? dit le duc ; quand est ce que je l’ai vue ? — Christian l’employa, si je ne me trompe, à mettre sa nièce en liberté, lorsqu’il se vit forcé de céder aux vœux de son fanatique

  1. Phrase allemande qui signifie : Tout est perdu. a. m.