Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/575

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ratifs étaient tout faits ; et à l’heure où je parle, nous aurions perdu de vue pour toujours les rivages de la Grande-Bretagne. — Et ce misérable nain ! dit Christian, était-il digne de vous de tromper cette pauvre créature par de flatteuses visions, de l’endormir avec des drogues ? Est-ce encore là mon ouvrage ? — C’était un instrument dont je prétendais me servir, » dit Zarah avec orgueil. « Je me rappelais trop bien vos leçons pour ne pas l’employer ainsi. Pourtant ne le méprisez pas trop. Ce pauvre nain, dont je me jouais dans la prison, ce malheureux avorton de la nature ! en bien, je le choisirais pour mari plutôt que d’épouser votre Buckingham ; ce vain et débile pygmée a du moins un cœur chaud et une noblesse de sentiments dont tout homme devrait se faire honneur. — Eh bien donc, fais comme tu l’entendras, dit Christian, et si j’ai un conseil à donner à quelqu’un, c’est de ne jamais restreindre une femme dans l’usage de sa langue, puisqu’il faut ensuite qu’il l’en dédommage amplement en la laissant agir à sa guise. Qui l’eût pensé ? Mais le coursier a secoué le mors, et il faut que je le suive, ne pouvant plus le guider. »

Retournons maintenant à la cour de Charles, à White-Hall.



CHAPITRE XLVIII.

L’ENQUÊTE.


Mais que te dirai-je, lord Scroop ; à toi, créature cruelle, ingrate, sauvage et inhumaine, qui avais la clef de tous mes conseils, qui connaissais le fond de mon cœur, qui aurais pu faire de moi des rouleaux de guinées si tu l’avais essayé ?
Shakspeare. Henri V.


À aucune époque de sa vie, pas même lorsque cette vie était dans le plus grand danger, la gaieté naturelle de Charles n’avait paru plus éclipsée que pendant qu’il attendait le retour de Chiffinch et l’arrivée du duc de Buckingham. Son esprit se révoltait à l’idée que l’homme pour lequel il avait témoigné une bienveillance si marquée, et qu’il avait choisi pour compagnon de ses heures de délassement et de plaisir, pût être capable de tremper dans un complot dirigé, selon toute apparence, contre sa vie et sa liberté. Il interrogea de nouveau le nain à plusieurs reprises ; mais il ne put en tirer autre chose que ce que renfermait déjà son premier récit. Hudson décrivait sous des couleurs si fantastiques et si bizarres l’apparition de la femme qui s’était montrée à lui dans la prison de Newgate, que le roi ne pouvait s’empêcher de