Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/583

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connaissance par la conversation de ce dernier avec Christian, ils avaient gagné le logement de lady Peveril, qui les attendait avec une joie mêlée de terreur et d’incertitude. La nouvelle de l’acquittement lui était parvenue, grâce à l’empressement du fidèle Lance-Outram ; mais son esprit avait depuis été alarmé du long retard qu’ils mettaient à paraître, et surtout en entendant parler du désordre qui avait eu lieu dans Fieet-Street et dans le Strand.

Après que les premiers transports occasionnés par leur réunion se furent calmés, lady Peveril en jetant un regard d’inquiétude sur son fils comme pour lui recommander la prudence, dit qu’elle allait lui présenter la fille d’un ancien ami, que jamais (elle appuya sur ce mot) il n’avait vue auparavant. « Cette jeune personne, ajouta-t-elle, est la fille unique du colonel Mitford, du pays de Galles : il a voulu qu’elle vînt auprès de moi et demeurât quelque temps sous ma tutelle, se sentant lui-même incapable d’entreprendre son éducation. — Oui, oui, dit sir Geoffrey, Dick Mitford doit être vieux maintenant ; je crois même qu’il a passé les soixante-dix ans. Ce n’était déjà plus un poulet, mais un coq pour la besogne, lorsqu’il joignit le marquis d’Hertford à Namptwich avec deux cents Gallois. Par saint George ! Julien, j’aime cette enfant comme si elle était de mon propre sang ! Lady Peveril n’aurait jamais pu résister à cette épreuve sans elle : et de plus, Bick Mitford m’a envoyé mille pièces d’or fort à propos, lorsque, grâce à ce procès, il nous restait à peine une pièce marquée de la croix pour empêcher le diable de danser dans nos poches. Je m’en suis servi sans scrupule, parce qu’il y a une coupe de bois à faire à Martindale lorsque nous y arriverons ; et Dick Mitford sait qu’en pareille occasion j’aurais agi de même envers lui. Il est singulier qu’il ait été le seul de mes amis qui ait pensé que je pourrais avoir besoin de quelques pièces d’or. »

Pendant que sir Geoffrey parlait de la sorte, l’entrevue entre Alice et Julien eut lieu sans qu’il parût autrement y faire attention qu’en s’écriant : « Embrasse-la, Julien, embrasse-la. Que diable ? est-ce donc là la manière dont tu apprends à saluer une dame à l’île de Man, comme si ses lèvres étaient un fer de cheval encore rouge. Ne vous en fâchez pas, ma jolie petite amie. Julien est naturellement timide, et a été élevé par une vieille dame ; mais vous le trouverez, tout bien considéré, aussi galant que je l’ai été pour vous, ma belle. Et maintenant, dame Peveril, à table, à table ! Il faut que le vieux renard se remplisse la panse quoiqu’il ait été chassé par les chiens toute la journée. »

Lance, dont il fallut ensuite écouter les joyeuses félicitations, eut le bon esprit de les abréger pour s’occuper de faire venir du restaurant voisin un dîner simple, mais substantiel, auquel Julien prit part, assis comme par enchantement entre sa mère et sa