Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/592

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temps étudié votre sexe ; je me trompe fort si votre petite suivante n’est pas, aussi bien qu’aucun de nous, en état de se suffire à elle-même. — Impossible ! dit la comtesse. — Très-possible et très-vrai, » dit le roi à voix basse. « Je vais sur-le-champ vous convaincre du fait, quoique l’expérience soit trop délicate pour pouvoir être faite par tout autre que Votre Seigneurie. La voilà là-bas qui n’a pas l’air d’entendre plus que le pilier de marbre contre lequel elle s’appuie. Maintenant, si lady Derby veut faire en sorte de placer sa main près de la région du cœur de notre héroïne, ou seulement sur son bras, de manière à s’apercevoir, par les battements du pouls, des émotions qu’elle éprouve, et que vous, milord d’Ormond, vous trouviez quelque prétexte pour faire sortir Julien Peveril, je vous montrerai dans un moment que les sons de la parole peuvent émouvoir. »

La comtesse très-surprise, craignant quelque plaisanterie embarrassante de la part de Charles, et cependant incapable de réprimer sa curiosité, se plaça près de Fenella, comme elle appelait sa petite muette, et, tout en lui faisant des signes, trouva moyen de placer la main sur son poignet.

En ce moment, le roi passant près d’elle, dit : « C’est une action horrible ! ce scélérat de Christian a poignardé le jeune Peveril ! »

Le témoignage muet du pouls qui battait comme si l’on eût déchargé un canon à l’oreille de la pauvre fille, fut accompagné d’un cri si lamentable, qu’il affligea et fit tressaillir le bon monarque lui-même. « Je ne faisais que plaisanter, dit-il ; Julien se porte bien, ma jolie fille. Je me suis seulement servi de la baguette d’un certain dieu aveugle, appelé Cupidon, pour déterminer une de ses vassales sourde et muette à faire usage de ses facultés. — Je suis découverte ! » dit-elle, les yeux fixés sur le plancher ; « je suis découverte ! et il est juste que celle dont la vie a été employée à trahir les autres soit prise dans ses propres filets. Mais, où est mon maître en iniquité ? où est Christian, qui m’a dressée à jouer le rôle d’espion près de cette dame confiante, jusqu’à la mettre presque entre ses mains sanguinaires ? — Ceci, dit le roi, exige un examen plus secret. Que tous ceux qui ne sont pas immédiatement intéressés à cette affaire sortent de l’appartement, et qu’on amène de nouveau ce Christian devant nous. Misérable ! » continua-t-il en s’adressant à Christian, « dites quelles sont les ruses que vous avez pratiquées, et quels moyens extraordinaires vous avez mis en usage. — Ainsi elle m’a livré ! dit Christian, livré aux fers et à la mort, uniquement à cause d’une vaine passion qui ne sera jamais satisfaite ! Mais apprends, Zarah, » ajouta-t-il, en s’adressant à elle d’un air sombre, « qu’en ce moment où ton témoignage me condamne à périr, c’est une fille qui assassine son père ! »