Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/66

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ciété l’un de ses plus grands charmes ; car dès lors il n’y régna plus cet enthousiasme généreux pour le beau sexe, ce noble sentiment, véritable aiguillon qui excite à la gloire et aux belles actions, et qui est supérieur à toute autre impulsion, excepté celle de la religion et du patriotisme. Les voûtes de l’antique salle de Martindale retentirent d’acclamations plus bruyantes et plus éclatantes encore que celles dont elles avaient déjà tremblé ; et les noms de Peveril du Pic et de sa dame furent proclamés au milieu des souhaits de prospérité que les convives firent entendre en agitant en l’air leurs toques et leurs chapeaux.

Ce fut sous de si favorables auspices que lady Peveril s’éclipsa de la salle et laissa le champ libre aux démonstrations de la joie. La bruyante allégresse des cavaliers est facile à concevoir, puisqu’elle avait les accompagnements ordinaires du chant, des bons mots, des toasts et instruments, auxiliaires aimables qui, presque dans tous les temps et dans tous les pays du monde, ont toujours été le cortège des festins et des fêtes. Quant à la gaieté des puritains, elle était d’un tout autre caractère et beaucoup moins étourdissante : on n’entendait parmi eux ni chansons, ni joyeuses plaisanteries, ni musique, ni toasts ; et, pourtant, ils ne paraissaient pas moins jouir à leur façon des douceurs terrestres vers lesquelles la fragilité humaine porte l’homme extérieur. Le vieux Whitaker prétendit même que, bien qu’ils fussent beaucoup moins nombreux que les cavaliers, ils consommèrent presque autant de vin d’Espagne et de Bordeaux que la joyeuse compagnie qui était à quelques pas d’eux. Mais ceux qui connaissaient les préjugés de l’intendant contre les puritains inclinaient à penser que, pour obtenir un tel résultat, il avait porté la somme de ses libations personnelles (article important) au compte général des libations presbytériennes.

Sans adopter une opinion aussi scandaleuse et aussi partiale, nous dirons seulement que, dans cette occasion, comme dans beaucoup d’autres, le peu d’indulgence que les puritains accordaient à leurs penchants, la sévérité de leurs mœurs, contribuèrent à aiguillonner puissamment le sentiment du plaisir, et que ceux qui faisaient de l’abstinence, ou au moins de la modération un principe religieux, jouirent d’autant mieux des douceurs de cette réunion, que rarement il s’en présentait à eux de semblables. S’ils ne se portèrent pas réellement des santés les uns aux autres, ils prouvèrent au moins, par leurs regards, leurs