Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/132

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au comte de Dunois, qui sortit aussitôt de la salle, tandis que le barbier s’en retournait paisiblement vers l’appartement d’où il était sorti. Chacun s’empressait de lui faire place, et il ne répondit à cette politesse que par de profondes salutations. Cependant, par quelques exceptions très-rares, il rendit une ou deux personnes un objet d’envie pour tous les autres courtisans, en leur disant un seul mot à l’oreille ; et, murmurant quelques paroles sur les devoirs de sa place, il échappa à leurs répliques aussi bien qu’aux muettes sollicitations de ceux qui désiraient attirer son attention. Ludovic Lesly eut la bonne fortune d’être un des individus que, dans cette occasion, Olivier favorisa d’un mot ; c’était pour l’assurer que son affaire était heureusement arrangée.

Bientôt après, il eut une autre preuve de la vérité de cette agréable nouvelle ; car Tristan l’Ermite, grand prévôt de la maison du roi, entra dans l’appartement et se dirigea aussitôt vers le Balafré. Le riche costume de ce redoutable officier ne produisit d’autre effet en sa faveur que de rendre plus frappantes sa mauvaise mine et sa sinistre physionomie, et ce qui lui paraissait un ton de conciliation ne ressemblait pas mal au grognement d’un ours. Ses paroles néanmoins furent plus douces que la voix qui les fit entendre. Il témoigna à Lesly ses regrets de l’erreur dans laquelle il était tombé le jour précédent, et dit qu’elle provenait de ce que le neveu du sieur le Balafré ne portait point l’uniforme du corps et ne s’était pas fait connaître comme en faisant partie : c’était là ce qui avait causé la méprise pour laquelle il lui faisait ses excuses. Ludovic répondit à ce compliment d’une manière très-convenable, et dès que Tristan se fut éloigné, il dit à son neveu qu’ils avaient maintenant l’honneur et la certitude de s’être fait un ennemi mortel en la personne de cet officier redouté. « Mais, ajouta-t-il, un soldat qui fait son devoir peut se moquer du grand prévôt. »

Quentin ne put s’empêcher de se ranger à l’opinion de son oncle ; car, en les quittant, Tristan leur lança ce regard de colère et de vengeance que l’ours jette sur le chasseur dont l’épieu vient de le blesser. À la vérité, même lorsqu’aucune cause n’éveillait sa haine, son œil sombre exprimait une malveillance qui faisait frémir ; et le jeune Écossais éprouva un sentiment d’horreur d’autant plus profond et un tressaillement d’autant plus vif, qu’il lui semblait encore sentir autour de son cou l’étreinte homicide des deux satellites de cet odieux fonctionnaire.