Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/142

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attentif, il voulait exercer sur sa personne : elle est ici protégée en secret par le roi de France, et encouragée dans sa rébellion contre le duc, son seigneur suzerain et son tuteur naturel, au mépris des lois divines et humaines, telles qu’elles ont toujours été respectées dans l’Europe civilisée. Je m’arrête de nouveau, Sire, pour attendre votre réponse. — Vous avez bien fait, comte de Crèvecœur, » dit le roi d’un air dédaigneux, « de commencer votre ambassade de bonne heure ; car si vous êtes dans l’intention de me rendre responsable de la fuite de chaque vassal que la turbulence des passions de votre maître peut avoir forcé à quitter ses domaines, l’énumération peut se prolonger jusqu’au coucher du soleil. Qui est-ce qui peut affirmer que ces deux dames sont dans mes états ? Et en supposant qu’elles y soient, qui osera dire que j’aie favorisé leur fuite, ou que je leur aie offert ma protection ? — Sire, n’en déplaise à Votre Majesté, j’avais un témoin de ce que j’avance, un témoin qui a vu ces dames fugitives dans l’auberge des Fleurs-de-Lis, non loin du château ; un témoin qui a vu Votre Majesté en leur compagnie, quoique sous l’indigne déguisement d’un bourgeois de Tours, un témoin qui a reçu d’elles, en votre royale présence, des messages et des lettres pour leurs amis de Flandre, et qui a remis le tout entre les mains du duc de Bourgogne. — Produisez ce témoin ; placez devant moi l’homme qui ose soutenir une fausseté si palpable. — Vous parlez d’un air triomphant, Sire ; car vous savez fort bien que ce témoin n’existe plus. Lorsqu’il vivait, il se nommait Zamet Maugrabin : c’est un de ces Bohémiens vagabonds. Ainsi que je l’ai appris, il a été exécuté hier par un détachement de la garde prévôtale de Votre Majesté, afin d’empêcher sans doute qu’il ne se présentât ici pour affirmer ce qu’il a dit à ce sujet au duc de Bourgogne, en présence de son conseil et de moi Philippe Crèvecœur des Cordes. — Par Notre-Dame d’Embrun ! s’écria le roi, ces accusations sont tellement absurdes, et je suis si loin d’avoir la moindre connaissance de ce qui peut y avoir donné lieu, que, par l’honneur d’un roi, je suis plutôt porté à en rire qu’à m’en fâcher. Parce que ma garde prévôtale mettra à mort, comme c’est son devoir, des voleurs et des vagabonds, s’ensuit-il que ma couronne puisse être calomniée et rendue responsable de tout ce que ces voleurs et ces vagabonds peuvent avoir dit à notre bouillant cousin de Bourgogne et à ses sages conseillers ? Dites, je vous prie, à mon beau cousin que, s’il recherche la société de pareilles gens, il ferait mieux de les garder dans ses états, car ils ne trou-