Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/15

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Au milieu d’une si grande abondance de matériaux il était difficile de choisir ceux qui pouvaient être les plus convenables et les plus intéressants pour le lecteur ; l’auteur a eu à regretter que, bien qu’il eût fait un ample usage du pouvoir de s’écarter de la réalité historique, il n’ait pu donner à son histoire une forme plus agréable, plus serrée et plus claire tout ensemble. La principale source de l’intrigue est celle que les personnes même qui connaissent le moins le système féodal peuvent aisément comprendre, bien que les faits soient absolument fictifs. Le droit d’un supérieur féodal n’avait rien de plus universellement reconnu que celui d’intervenir dans le mariage d’une vassale. Ceci peut impliquer contradiction avec la loi civile et la loi canonique, qui déclarent que le mariage sera libre, tandis que la jurisprudence féodale ou municipale, dans le cas où un fief passe à une femme, reconnaît que le suzerain a intérêt de dicter à la femme le choix de son futur mari. Telle est la conséquence du principe que le suzerain est le donateur originel du fief, et qu’il est toujours intéressé à ce que le mariage d’une vassale n’ait pas lieu avec un ennemi du seigneur lige. D’un autre côté, on pourrait raisonnablement soutenir que ce droit de dicter à une vassale le choix de son époux appartient seulement au suzerain des mains duquel le fief dérive primitivement. Il n’est donc point absolument impossible qu’une vassale du duc de Bourgogne se mette sous la protection du roi de France, dont ce prince lui-même était vassal ; on peut aussi raisonnablement supposer que Louis, si peu scrupuleux, ait pu former le dessein de trahir la fugitive en lui faisant contracter une alliance qu’il aurait jugée ne pas convenir, peut-être même présenter quelque danger à son formidable parent et vassal de Bourgogne.

Je puis ajouter que Quentin Durward, qui a obtenu en Angleterre une popularité plus grande qu’aucun de ses prédécesseurs, a également joui d’un succès inespéré sur le continent, où les allusions historiques ont éveillé un plus grand nombre d’idées familières aux habitants du pays où la scène de ce roman est placée.


Abbotsford, le 1er décembre 1831.