Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/165

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rades de son oncle, et d’après la scène qui avait eu lieu dans la salle d’audience, il ne pouvait douter que la sirène qui enchantait ainsi ses oreilles n’était point, comme il l’avait supposé par une sorte de profanation, la fille ou la parente d’un vil aubergiste, mais la malheureuse comtesse déguisée, pour la cause de laquelle des rois et des princes étaient au moment de revêtir leur armure et de mettre la lance en arrêt. Mille rêves étranges, tels que ceux auxquels une jeunesse romanesque et aventureuse aimait à s’abandonner dans un siècle aventureux et romanesque, firent disparaître de ses yeux la réalité du présent pour y substituer leurs illusions trompeuses ; mais tout à coup elles furent dissipées par une main qui se posa rudement sur son arme, en même temps qu’une voix sévère lui cria à l’oreille : « Pâque-Dieu ! sire écuyer, vous paraissez bien peu éveillé, pour un soldat en faction ! »

C’était la voix monotone, mais grave et ironique, de maître Pierre ; et Quentin, rappelé soudainement à lui-même, reconnut avec un sentiment de honte et d’effroi qu’au milieu de sa rêverie il s’était oublié si complètement que le roi, probablement entré par quelque porte secrète, en se glissant le long de la muraille ou derrière la tapisserie, s’était assez approché de lui pour s’emparer presque de son arme.

Son premier mouvement, inspiré par la surprise, fut de dégager son arquebuse par une violente secousse qui fit reculer le roi de quelques pas ; mais bientôt il sentit la crainte qu’en cédant à l’instinct animal, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui porte l’homme brave à résister à la tentative faite pour le désarmer, il n’eût aggravé, par cette lutte contre le roi en personne, le mécontentement que Louis montrait de la négligence avec laquelle il faisait sentinelle. Dominé par cette idée, il reprit donc son arquebuse, presque sans savoir ce qu’il faisait, et, l’appuyant de nouveau contre son épaule, il se tint debout et immobile devant le monarque qu’il devait avec raison croire grièvement offensé.

Louis, dont le caractère tyrannique était moins le résultat d’une férocité naturelle ou d’un penchant à la cruauté que celui d’une politique froide et d’une jalousie soupçonneuse, avait pourtant une bonne dose de cette sévérité caustique qui, s’il fût né dans un rang moins élevé, en aurait fait un despote dans la conversation, et toujours il jouissait des tourments qu’il causait dans des occasions semblables à celle-ci. Cependant il ne poussa pas trop loin son triomphe, et se contenta de dire : « Le service que tu m’as