Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

épreuve, et, dans le fait, il exprima plus d’une fois l’intention de mettre fin à son repas avant que Louis consentît à le lui permettre.

« Je le vois dans ton œil, lui dit-il, ton courage n’est pas affaibli de moitié. De par Dieu et saint Denis ! retourne à la charge ! Je te dis que jamais long repas ni courte messe (et il fit un signe de croix) n’a nui à la besogne d’un chrétien. Prends un verre de vin ; mais pourtant méfie-toi de la bouteille ; c’est le défaut de tes compatriotes, aussi bien que des Anglais, qui, à part ce mauvais penchant, sont les meilleurs soldats qui aient jamais endossé une armure… Allons, lave-toi promptement les mains ; n’oublie pas de réciter tes grâces, et suis-moi. »

Quentin obéit, et à travers des passages différents, mais non moins croisés que ceux par lesquels il avait déjà passé, il suivit Louis jusque dans la galerie de Roland.

« Souviens-toi bien, » lui dit le roi d’un ton impératif, « que tu n’as jamais quitté ce poste… telle doit être ta réponse aux questions de ton oncle et à celles de tes camarades… Et puis, écoute ; afin que tu ne perdes pas la mémoire, je te donne cette chaîne d’or (et lui jeta sur le bras une chaîne d’un grand prix). Si je ne porte pas de bijoux moi-même, ceux à qui j’accorde ma confiance ont toujours les moyens de rivaliser avec qui que ce soit ; mais lorsque des chaînes de cette espèce ne suffisent pas pour empêcher la langue de se mouvoir trop librement, mon compère l’Ermite a une amulette pour la gorge qui ne manque jamais d’opérer une cure radicale. Maintenant, fais attention à ce que je vais te dire. Personne, excepté Olivier et moi, n’entre ici ce soir ; mais des dames y viendront peut-être de l’une des extrémités de cette salle ; peut-être de l’autre, peut-être des deux. Tu peux leur répondre, si elles t’adressent la parole ; mais, attendu que tu es placé là comme factionnaire, ta réponse doit être courte, et tu ne dois ni leur adresser la parole à ton tour, ni t’engager dans une conversation prolongée. Seulement, sois attentif à ce qu’elles diront. Tes oreilles aussi bien que tes bras sont à moi : je t’ai acheté, corps et âme ; par conséquent, ce que tu pourras entendre de leur conversation, il faudra le graver dans ta mémoire jusqu’à ce que tu me l’aies rapporté ; et l’oublier ensuite. Et maintenant, toute réflexion faite, il vaudra mieux que l’on te prenne pour une recrue écossaise, tout récemment descendue des montagnes, et qui ne connaît pas encore