Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Comment, drôle ! » s’écria un des deux champions ; « oserais-tu, toi mendiant vagabond, opposer résistance à deux chevaliers. — Résistance est bien dit, répliqua Quentin ; car je résisterai à votre attaque insolente et illégale, et s’il existe entre nous quelque différence de rang, ce dont il m’est encore permis de douter, votre conduite discourtoise la fait disparaître. Tirez donc vos épées, ou, si vous voulez faire usage de la lance, prenez du champ. »

Les chevaliers tournèrent bride, et s’éloignèrent de quelques centaines de pas. Alors Quentin, jetant un coup d’œil vers les deux dames, s’inclina sur le pommeau de la selle, comme pour leur demander de faire des vœux pour lui ; et tandis qu’elles agitaient leurs mouchoirs en signe d’encouragement, les deux assaillants arrivèrent à la distance nécessaire pour charger.

Recommandant au Gascon de se conduire en brave, Durward mit son coursier au galop, et les quatre cavaliers se rencontrèrent en pleine course au milieu du terrain qui les séparait d’abord. Le choc fut fatal au Gascon ; car son adversaire, dirigeant sa lance contre son visage, qui n’était pas défendu par une visière, la lui fit entrer dans l’œil, d’où elle pénétra jusque dans le crâne, et il tomba mort aux pieds de son cheval.

D’un autre côté Quentin, quoique ayant le même désavantage, fit un mouvement sur sa selle avec tant d’à propos, que la lance de son ennemi, après lui avoir légèrement effleuré la joue, passa par-dessus son épaule droite, tandis que la sienne, frappant son antagoniste justement sur la poitrine, le renversa par terre. Quentin sauta à bas de cheval pour détacher le casque du vaincu ; mais l’autre chevalier, qui, par parenthèse, n’avait encore rien dit, voyant le sort de son compagnon, mit pied à terre plus promptement encore que Durward, et se plaçant jambe deçà jambe delà sur le corps de son ami, qui restait privé de sentiment, il s’écria : « Au nom de Dieu et de saint Martin ! remonte à cheval, mon brave, et va-t’en avec ta pacotille de femmes. Ventre-saint-gris elles ont déjà causé assez de mal ce matin. — Avec votre permission, sire chevalier, » répondit Quentin qui ne pouvait digérer le ton menaçant avec lequel cet avis lui était donné, « je veux voir d’abord à qui j’ai eu affaire, et savoir qui répondra de la mort de mon camarade. — Tu ne vivras assez ni pour le savoir ni pour le dire, retire-toi en paix, jeune homme ; si nous avons fait la folie d’interrompre votre voyage, nous nous en sommes mal trou-